Les Inrockuptibles

Jake Xerxes Fussell

What in the Natural World Paradise of Bachelors/Differ-ant

- Stéphane Deschamps

Comme surgi du passé, un album de folk-blues où les vertes prairies ne sont pas un accessoire vintage.

On dirait qu’on serait en 1961. A New York, du côté de Greenwich Village, un groupe de jeunes gens est en train d’écrire le nouveau chapitre de la grande fresque du folk-blues américain. Le meilleur d’entre eux s’appelle Jake Xerxes Fussell. Il vient de Durham, en Caroline du Nord. Les secrets du folk, il les tient de première main, de son pays de musique. Quand il chante les vertes prairies, ce n’est pas parce qu’il a entendu d’autres le faire avant lui, mais parce qu’il les a arpentées, s’y est allongé et a rêvé d’une musique qui ressembler­ait à l’odeur du vent chaud dans les champs après les moissons. Il est le fils de Fred C. Fussell, un folklorist­e qui collecte les microcultu­res du Sud et a transmis le virus à son rejeton.

Tout ce qui précède est vrai, sauf qu’on est en 2017, et que le disque de Jake Xerxes Fussell est merveilleu­sement préservé de toutes les tares du folk contempora­in, l’exercice de style trop référencé comme la vanité de l’avant-garde. Quand il hulule dans une sorte de yodel glissant, on entend que c’est d’abord parce qu’il aime chanter comme ça. Son jeu de guitare et ses mélodies, inspirés par la douceur rédemptric­e de Mississipp­i John Hurt, semblent naître comme le soleil se lève le matin. Son petit groupe d’esthètes sait jouer sans nostalgie, juste pour ouvrir les fenêtres le matin et faire trembler les planchers le soir.

What in the Natural World est un album de reprises, beaucoup de chansons des années 1920, et quelquesun­es plus récentes. Sur le disque, Jake Xerxes Fussell indique la généalogie des chansons – on repère les noms de Duke Ellington, Jimmy Driftwood, Jimmie Tarlton, et les autres nous sont totalement inconnus. Des chansons obscures qu’en bon artisan Fussell ramène à la lumière.

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