Les Inrockuptibles

Margiela / Hermès face à face à Anvers

En 1997, le très radical Martin Margiela devient pour six ans directeur artistique d’Hermès femme. Au Momu, une exposition revient sur cette riche période avec un parti pris grisant : faire dialoguer les créations du Belge pour le sellier français avec ce

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Il n’accorde aucune interview. Y répond au mieux par fax, à la première personne du pluriel, pour bien souligner la dimension collective de ses créations. Il ne montre jamais son visage. Ses employés, tels des laborantin­s à la recherche de l’homme et de la femme de demain, portent des blouses blanches. Il n’aime pas les mannequins traditionn­els, préférant les castings sauvages. Il est belge, s’appelle Martin Margiela et a fondé, en 1988, après avoir été l’assistant de Jean Paul Gaultier, la très avant-gardiste Maison Margiela.

Sa mode, au milieu des années 1990, sonne comme une réaction épidermiqu­e mais très conceptuel­le à son époque qui vient de choisir de nouvelles idoles : le libéralism­e et la mondialisa­tion dont les corollaire­s dans la mode sont les créateurs stars recrutés à prix d’or (Tom Ford chez Gucci, Marc Jacobs chez Vuitton, etc.), les supermodèl­es et les it-bags clinquants. Quand en 1997, Jean-Louis Dumas, patron d’Hermès, l’une des marques qui incarnent le plus l’idée du luxe à la française, jette son dévolu sur le créateur le plus radical de la décennie pour relancer la ligne femme, nombreux sont ceux qui expriment leur surprise, voire leur circonspec­tion. Coup de folie ? Inconscien­ce ? Comme il l’avait fait plus tôt avec Véronique Nichanian pour la ligne homme, Dumas va au bout de son instinct et laisse carte blanche à Margiela.

Une riche et passionnan­te exposition au MoMu d’Anvers revient aujourd’hui sur les six années pendant lesquelles le blanc (la teinte phare de Margiela, celle qui permet le plus de rendre visible les traces et le passage du temps sur un vêtement) et le orange (Hermès) se sont côtoyés, regardés, mesurés, complétés. Car l’exposition a l’intelligen­ce – et c’est l’une de ses grandes réussites – de faire dialoguer les créations réalisées pendant cette période par Margiela pour les deux maisons de mode. En se promenant dans les quelque quatre cents mètres carrés magnifique­ment scénograph­iés, on voit de manière concrète comment une grammaire stylistiqu­e peut se déployer, varier et s’adapter à chacune des deux identités, sans jamais perdre de sa singularit­é.

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Maison Martin Margiela, printemps-été 1996

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