Les Inrockuptibles

ses nuits en Nubie

A l’initiative de cinq festivals, le FrancoLiba­nais sans frontière Bachar Mar-Khalifé présentera jusqu’à l’été une création rock et libre, riche en surprises. Avant Terres du Son, les Eurockéenn­es, les Vieilles Charrues et le Paléo Festival, ce sont les N

- par Stéphane Deschamps

Bachar Mar-Khalifé est un excentriqu­e. Un musicien précieux dont les disques enchantent en défiant les genres. Sa musique en expansion transcende et harmonise electronic­a, postrock, chanson intime et souvenirs d’Orient (il est le fils du grand musicien libanais Marcel Khalifé, et le frère de Rami Khalifé d’Aufgang). Un musicien de l’exil et du voyage, dont le dernier projet en cours ressemble à un retour sur les lieux de l’enfance et des premières amours musicales.

A l’invitation des Nuits Botanique, et pour une poignée de festivals d’été qui ont monté ensemble cette création, Bachar Mar-Khalifé a imaginé un nouveau concert en hommage à Hamza El Din. Qui ça ? L’assez obscur Hamza El Din, chanteur et oudiste originaire de Nubie en Egypte, est considéré comme le père de la musique nubienne moderne. Lors d’une répétition en banlieue parisienne, Bachar Mar-Khalifé dévoilait son projet intitulé The Water Wheel. Aux claviers et au chant, accompagné de son groupe de scène, d’une percussion­niste tendance afrocubain­e, d’un oudiste marocain et de la chanteuse américano-nubienne Alsarah (des Nubatones), Bachar Mar-Khalifé sonne très rock et très libre. L’entretien qui suit la répétition révèle qu’il n’est pas seulement très bon pour jouer de la musique : il en parle aussi très bien.

Comment as-tu connu la musique d’Hamza El Din ? Bachar Mar-Khalifé – A Paris, par hasard, vers 1516 ans, en fouillant dans la bibliothèq­ue de mon père. J’ai trouvé ce CD où il y a trois chansons, The Water Wheel, I Remember et un morceau où il n’y a que du chant et de la percussion bendir. Ce sont des morceaux qui durent quinze à vingt minutes. Ça a été un choc terrible. A l’époque, j’écoutais beaucoup Nirvana et il y avait une sorte de connexion entre les deux. Le point commun, c’est que j’écoutais ces musiques seul, sans aucune envie de les partager ou de les entendre en soirée. J’écoutais ça assez tard, ça s’y prête. Ça me parlait très intimement. Je ne comprenais pas les paroles, la plupart de ses chansons sont en langue nubienne. Mais je chantais avec lui, c’est une langue très musicale, très rythmique. C’est comme Nirvana, je ne comprenais pas ce que Kurt Cobain chantait, mais je n’en avais ni besoin ni envie. Ce n’est pas le registre de la chanson à texte. Ça flotte entre les sonorités, la musique, le rythme de la langue. Sa liberté s’appuie sur la force musicale, pas sur un discours. Le fait que cette musique puisse me bouleverse­r à ce point, j’ai eu envie de le préserver, sans chercher à comprendre les mots. Mais j’ai mis beaucoup de temps, une dizaine d’années, à écouter autre chose de lui que ce premier disque. Il y a tout dedans, c’est un monde à part, une redécouver­te perpétuell­e.

Tu écoutais de la musique orientale et moyenorien­tale à l’époque ?

Je n’en ai jamais vraiment écouté, mis à part évidemment celle de mon père. Hamza El Din, ce n’est pas vraiment de la musique orientale. C’est très africain, et la chanson I Remember, c’est une reprise d’Oum Kalsoum. Ce n’est donc pas traditionn­el, il y a une liberté dans son interpréta­tion. J’ai appris par la suite qu’il était allé aux Etats-Unis, qu’il avait l’esprit ouvert à d’autres musiques.

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