Les Inrockuptibles

Blondie rebuzze

Après un passage à vide, les punks vétérans publient un onzième album inespéré, marqué par une nuée de collaborat­ions, de Charli XCX à Johnny Marr.

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On ne va pas se mentir : les deux derniers Blondie étaient si gênants qu’ils confinaien­t à l’acharnemen­t thérapeuti­que. Et voilà que les vieux punks s’offrent un retour en sève, digne de No Exit, l’album de leur come-back (1999). Comment ? En ouvrant leur popote à de vieux complices – comme Joan Jett ou Johnny Marr – mais surtout à leur progénitur­e plus ou moins directe, de Dev Hynes à Charli XCX, de David Sitek (TV On The Radio) à Nick Valensi des Strokes. “On n’avait pas de wishlist. A part Sia, avec qui on voulait vraiment travailler, précise Debbie Harry. L’idée était de faire un disque plus rock en jouant en studio car nos deux derniers albums se sont faits en s’échangeant des fichiers par mail. C’est pour ça qu’on a choisi John Congleton.” Le producteur, qui a fait ses griffes aux côtés de Steve Albini, a su rendre au groupe son urgence.

Sans boussole, impossible de discerner les différente­s signatures. Une fois mêlées à l’ADN du groupe, les compositio­ns des autres se dissolvent dans le son Blondie. Cette capacité d’absorption, c’est la qualité première des New-Yorkais, capables de tout métabolise­r, du reggae (The Tide Is High) au disco (Heart of Glass) ou au rap (Rapture). “Les Talking Heads et les Ramones avaient des styles plus étroits. Blondie a toujours eu un son plus vaste. On est de New York, une ville où se concentren­t des tas de cultures différente­s. On a été pollinisés et on a pollinisé à notre tour.”

D’où le titre apicole de l’album.

Debbie Harry, la voix à peine voilée par les ans, s’est glissée sans caprice (comme chez Daho ou récemment chez Future Islands) dans les mots et les mélodies écrites sur mesure pour elle. “En tant que parolière, je sais l’exigence de l’écriture. La seule fois où j’ai entièremen­t réécrit des lyrics, c’était pour Call Me. A la base, la chanson s’appelait Man Machine et c’était franchemen­t merdique.”

Pas de révolution ici, mais des pop songs solaires (Long Time), des reggaetón cuivrés (Love Level) et même une embardée country (When I Gave up on You). Douze titres comme autant de Polaroid d’une histoire qui s’efface, d’un New York qui n’existe plus. “Je ne me fais pas toujours bien voir quand je dis que je préférais Time Square avec ses putes et ses junkies”, se marre Chris Stein.

Le temps file. Si le groupe qu’il a formé en 1974 court toujours, autour de lui les cadavres s’amoncèlent. “La dernière fois que j’ai croisé Bowie, c’était il y a trois ans. On a parlé de Lou Reed, qui devait subir une transplant­ation des reins. On espérait qu’il s’en sorte. Depuis, on les a perdus tous les deux. La semaine où Bowie a disparu, j’ai vu Laurie Anderson. On se disait que c’était génial qu’il ait mis en scène sa mort avec son disque. Elle m’a dit : ‘Ça m’a rendu fière d’être une artiste.’ Je lui ai demandé de faire ce featuring sur Tonight, le titre caché de l’album.”

Alors ce n’est pas un hasard si Blondie a aussi choisi, juste avant qu’il ne soit détruit, The Magic Shop, le studio où Bowie a réalisé ses deux derniers disques, pour mettre au point son album.

“C’était un endroit dingue, avec une console de la BBC, et que tout le monde vénérait, raconte Chris Stein. On est le dernier groupe à avoir enregistré là-bas. Bowie venait de mourir trois mois auparavant. Son esprit y planait encore…” Pour Debbie et Chris, hors de question de raccrocher : “C’est comme les flics : une fois à la retraite, ils claquent au bout de cinq ans. Alors merci bien.” Romain Burrel

album Pollinator (BMG Rights/Warner) concert le 28 juin à Paris (Olympia)

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