Les Inrockuptibles

Juliette Binoche & Claire Denis

actrice et réalisatri­ce d’Un beau soleil intérieur

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Denis et Binoche, Binoche et Denis : comment cette alliance, qui apparaît telle une évidence à la sortie d’Un beau soleil intérieur, ne s’est-elle pas produite avant ? “En fait, on se connaît depuis longtemps, mais l’opportunit­é de travailler ensemble ne s’était jamais présentée”, explique benoîtemen­t Juliette Binoche, rayonnante dans sa robe rouge, quelques heures après l’ouverture triomphale de la Quinzaine des réalisateu­rs. Etrangemen­t, c’est par l’entremise d’Andreï Tarkovski qu’elles se croisèrent la première fois, au milieu des années 1980. Claire Denis faisait le casting pour le cinéaste russe, qui cherchait une actrice française pour Le Sacrifice. “Mais très vite, j’ai réalisé que son regard sur toutes ces jeunes comédienne­s qui venaient le voir, pleines d’admiration, était pervers. J’étais très gênée”, se rappelle-t-elle. De son côté, Binoche a gardé en mémoire “les mots très doux et encouragea­nts” de son aînée qui n’avait encore réalisé aucun film.

Trente ans passèrent avant que l’auteur de Vendredi soir (auquel on pense ici) ne “s’enflamme pour cette idée d’écrire un film avec Christine Angot et de proposer le rôle principal à Juliette Binoche”. Et voici comment elle décrit le moment de la rencontre profession­nelle, enfin : “Elle est venue me voir dans mon quartier, au volant de sa petite voiture, je l’ai vue se garer et me rejoindre au café, et d’emblée, à sa façon de conduire, de marcher, de ne pas être la diva qu’on imagine, j’ai su que j’avais fait le bon choix.”

Il y a une autre “première fois” dans Un beau soleil intérieur : Binoche et Depardieu. Deux monuments, eux aussi, qui s’étaient croisés mais n’avaient jamais travaillé ensemble. “La première fois que j’ai vu Gérard, c’était sur le tournage de Danton, où je ne faisais que passer. Il avait été très généreux et m’avait donné des conseils pour débuter dans le métier. On s’est croisés ensuite quelquefoi­s, notamment sur Le Hussard sur le toit en 1995, mais sans partager de scène. Et puis, il y a eu cette avalanche d’insultes, en 2010, que je n’ai pas comprise (dans un hebdomadai­re autrichien, Depardieu avait eu quelques mots doux du genre ‘Elle n’est absolument rien’ – ndlr). Un matin, je l’ai croisé par hasard sur le marché Raspail. Il descendait de moto. Il m’a demandé de le pardonner, il a reconnu qu’il disait beaucoup de conneries à ce moment-là…”

Dans une ultime scène prodigieus­e, un face-à-face entre l’amoureuse et un voyant, les deux se retrouvent dans le même espace mais ne partagent pas le cadre. Un pur champ/contrecham­p. “Il était hors de question de faire un plan d’ensemble, ça aurait brisé la magie”, se justifie Claire Denis. La dernière fois qu’on a vu un truc magique de ce genre, c’était dans Heat de Michael Mann, où Pacino et De Niro se parlaient pour la première fois dans un film et restaient eux aussi dans leur champ respectif. Ainsi vont les grands fauves. J. G. Quinzaine des réalisateu­rs

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