Les Inrockuptibles

L’art nouveau de Jelodanti

Un couple de plasticien­s publie depuis trois ans des vinyles à tirages limités. Pour la beauté de l’art.

- Christophe Conte

Le nom, Jelodanti, est l’anagramme de leurs deux identités. Le Suisse Nicolas Leto et la Française Clara Djian l’utilisent autant pour leurs travaux de plasticien­s à quatre mains que pour leur microlabel, créé en 2014. “Il fallait trouver un nom, on a mélangé les nôtres, précise Nicolas. Ça sonnait bien et ça rappelait vaguement le mot ‘giallo’, ces films italiens de genre qu’on adore, et aussi Jello Biafra de Dead Kennedys, l’une de nos idoles.” Leur couple est ainsi devenu une cellule, oeuvrant autant pour son compte dans des travaux mélangeant photo et spray qu’en produisant des disques publiés à quelques centaines d’exemplaire­s, uniquement en vinyles. De beaux objets faits à la main, dans cette tradition de l’artisanat punk qui retrouve toute sa pertinence avec l’essor inespéré des galettes noires, mais en opposition aux multinatio­nales qui pressent des vinyles sans charme à la chaîne quand eux les soignent comme d’authentiqu­es oeuvres d’art. “J’ai toujours été un gros collection­neur de disques, avec une préférence pour l’esthétique DIY de labels comme Limited Appeal ou Not Not Fun, pour les beaux objets ornés de tampons, façonnés avec des cartons spéciaux, où l’on sent la passion derrière”, revendique Nicolas.

L’entreprise à but non lucratif – ils n’ont pas d’existence légale et songent, au mieux, à créer une associatio­n – se rapproche plus volontiers de l’édition à compte d’auteur que du circuit officiel des labels indépendan­ts. Le réseau actif des disquaires qui soutiennen­t ce genre de démarches ultraconfi­dentielles leur aura permis toutefois d’écouler sans peine les premiers disques pressés, dont certains étaient d’ailleurs plutôt attendus. C’est le cas de la réédition du premier album des pionniers français du postrock, Ulan Bator, qui n’était jamais ressorti depuis sa parution en CD il y a plus de vingt ans.

En 2014, Jelodanti Records fut inauguré par un double vinyle compilant les production­s du label genevois Helvete Undergroun­d, qui hébergea de 1984 à 1988 des groupes de la scène indus, postpunk et no-wave suisse. Après Ulan Bator, la troisième référence ne donne pas cette fois dans l’exhumation mais dans la nouveauté, avec la version vinyle de l’album du groupe A Shape, émanation d’une autre formation postpunk français, Heliogabal­e, notamment via sa chanteuse Sasha Andrès. Mixé par Lee Ranaldo de Sonic Youth, Inlands donne un bon aperçu de l’esthétique globale défendue par Jelodanti à travers les liens historique­s et contempora­ins que Nicolas et Clara espèrent tisser sur le long terme. En septembre, ils ouvriront à nouveau leur tiroir à archives en publiant une compilatio­n de Goz Of Kermeur, trio suisse expériment­al des années 1990, suspendu en plein vol après la mort de son guitariste Yves Charmillot en 2001. De façon plus informelle, ils envisagent également une collaborat­ion avec Zëro, le groupe qui accompagne Béatrice Dalle et Virginie Despentes sur scène (lire ci-contre). Ce qui n’étonnera personne.

“j’ai toujours été un gros collection­neur de disques, avec une préférence pour l’esthétique DIY de labels comme Limited Appeal ou Not Not Fun” Nicolas Leto, cofondateu­r de Jelodanti

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Clara Djian
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Nicolas Leto

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