Chimère pour ce moment
A la Biennale de Lyon et au musée d’Arts de Nantes, SUSANNA FRITSCHER propose des expériences sensorielles où l’espace se recompose.
“DE L’AIR, DE LA LUMIÈRE ET DU TEMPS”.
Avec le titre de son installation immersive au musée d’Arts de Nantes, Susanna Fritscher fait plus qu’énoncer les éléments sans lesquels le monde serait irrespirable ; elle invite à bousculer l’ordre des perceptions. A partir de l’occupation du patio du musée animé d’un rideau de fils en silicone, l’artiste réinvente un espace en déplaçant les modes de circulation convenus.
L’installation suscite l’émerveillement de ceux qui traversent cette forêt vibrante. Les fils, légèrement ovoïdes, espacés de huit millimètres, ont été vrillés, interdisant la formation des lignes ; d’où l’impression de flottement chez le spectateur qui passe par ces parois translucides. “Il s’agit de brouiller le regard, mais en même temps ce qui nous trouble ne relève pas d’une illusion, s’explique l’artiste. Quand on lève la tête, on comprend que de multiples fils sont tendus entre une structure au plafond et une autre au sol ; ce que nous voyons ne nous échappe pas, nous le comprenons. Pourtant, nous sommes troublés ; le trouble visuel n’est pas un effet, il est ancré dans la réalité.”
“Chaque espace impose de nouvelles exigences
et donne lieu à de nouvelles recherches et expérimentations”, confie l’artiste alors qu’elle nous reçoit fin juillet dans son atelier de Montreuil. Chaque élément vibre dans cet espace, mais le temps presse pour finaliser son installation prévue à la Biennale de Lyon, mi-septembre, Mondes flottants. Elle va y investir l’un des silos de la Sucrière, un espace industriel dans lequel elle propose une nouvelle oeuvre sonore. Ondes, tubes, fréquences, turbulences, l’artiste cherche sans cesse à résoudre des énigmes physiques, en apprenant des chercheurs en mathématiques ou en mécanique des fluides, des acousticiens, mais aussi des architectes (elle est proche de Ruedi Baur) ou des artistes comme Ann Veronica Janssens ou Valérie Belin.
Avec sa façon méticuleuse d’explorer des espaces imposants, Susanna Fritscher pourrait céder à la tentation d’un travail froid et désincarné. Or, elle opère un geste artistique sensuel, indexé à un pur effet de contemplation, comme si ses recherches n’avaient d’autre fonction que de se faire oublier dans l’expérimentation spontanée et sans arrière-pensée d’un lieu réinventé où l’on voudrait vivre, avec de l’air, de la lumière et du temps. Jean-Marie Durand De l’air, de la lumière et du temps Jusqu’au 8 octobre, musée d’Arts de Nantes
Mondes flottants A partir du 18 septembre, La Sucrière, Biennale de Lyon