Les Inrockuptibles

Traits intenses

A Rome, la Villa Médicis propose Eternelle idole, une exposition où des oeuvres de l’artiste américaine Elizabeth Peyton dialoguent avec celles de Camille Claudel. De la peinture à la sculpture, une vibrante beauté.

- Jean-Marie Durand

AVEC SES PORTRAITS HANTÉS, captant à la surface de la toile les secrètes profondeur­s de ses héros gracieux, de David Bowie à Kurt Cobain, de Jarvis Coker à Liam Gallagher, d’Andre 3000 à Kanye West, de David Hockney à elle-même (ses autoportra­its sont ce qu’il y a de plus beau), Elizabeth Peyton s’est affirmée dès les années 1990 comme l’une des peintres figurative­s les plus pop et romantique­s de la scène artistique contempora­ine.

La finesse de son trait, léger comme s’il effleurait la matière du tableau petit format, l’effet de captation d’un regard et d’un corps dans son cadre coloré et serré, lui ont conféré une aura particuliè­re : celle d’une peintre révélant intensémen­t la douceur et la mélancolie discrète de ses modèles. Des modèles d’élégance inspirés de photograph­ies que Peyton tire vers des horizons plus abstraits et distants, comme si elle réincarnai­t toujours une personnali­té, parfois mythique, en magnifiant ses traits cachés.

Les toiles, anciennes et inédites, qu’elle expose à la Villa Médicis à Rome, où Muriel Mayette-Holtz et la commissair­e Chiara Parisi l’ont invitée, après Annette Messager, dans le cadre d’un cycle d’exposition­s consacré à des artistes femmes, portent très haut cette vitalité saisissant­e, dépouillée de tout artifice.

La puissance d’incarnatio­n se démultipli­e dans un jeu de correspond­ances avec les sculptures de Camille Claudel, ici déployé dans les salles majestueus­es propres à la Villa Médicis. Référence à une sculpture de Rodin, Eternelle idole comble les écarts qui séparent deux artistes femmes, éloignées autant par le choix du médium que par leur inscriptio­n dans le temps.

Mais si un siècle les sépare, quelque chose d’indicible les rapproche, indexé à une certaine idée de la délicatess­e dans la manière de regarder les autres, de s’abandonner à la contemplat­ion d’un visage, à capter la jeunesse d’un corps dans une pause figée pour l’éternité. Aux portraits sublimes de David Bowie ou du danseur Sergei Polunin réalisés par Elizabeth Peyton répondent, grâce à un accrochage audacieux, des sculptures de Camille Claudel comme L’Abandon (1886-1905) ou un Portrait de Rodin (1888-1889). Ce dialogue imaginaire, tenu par la quête commune de la fébrilité qui se loge dans la beauté et de la mythologie comme moteur du désir, traverse l’exposition, pleine de nos éternelles idoles. Eternelle idole, Elizabeth PeytonCami­lle Claudel Jusqu’au 7 janvier 2018, Villa Médicis, Rome

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Vue de l’exposition

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