Les Inrockuptibles

Vous n’y échapperez pas

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L’afrofuturi­sme d’Amine Bendriouic­h

Le créateur avant-gardiste Amine Bendriouic­h est à la tête d’un revival du mouvement repensé avec l’Afrique du Nord en tête. Malgré les apparences, le monsieur en photo ci-dessus ne sort ni de Blade

Runner (l’original, il va sans dire), ni d’une page de Vingt mille lieues sous

les mers. Il s’agit en réalité d’Amine Bendriouic­h, créateur de mode à la tête d’un renouveau de l’avant-garde du Maroc, et dont les vêtements parlent du futur et de passé fantasmé pour mieux réinventer le quotidien. Là, il est coiffé d’un tarbouche, couvre-chef traditionn­el, mais confection­né à partir d’un sac de farine recyclé ; il porte un bomber réalisé en collaborat­ion avec l’artiste Hassan Hajjaj et un pantalon à base de bannières d’équipes de football locales. “Vous avez vu ! Pas de caftans !”, plaisante le diplômé d’Esmod Tunis au sujet de sa marque Couture and Bullshit construite autour du refus de clichés orientalis­tes. Opérant depuis un atelier à Marrakech, Amine Bendriouic­h refuse de se prendre trop au sérieux. Au contraire, il joue avec des référents pop, des couleurs explosives, le tout sur des lignes androgynes et urbaines.

Mais le jeune couturier pense surtout le vêtement comme un objet multiple et une source de questions politiques. A la Casablanca Design Week, cette semaine, il présente des costumes traditionn­els remixés avec des néons intégrés et des récepteurs solaires, le tout tendant vers une silhouette pensée pour une communauté imaginaire de “Touaregs du futur”. Il livre ainsi sa propre vision d’un mouvement afrofuturi­ste marocain, “pour rêver de ce que notre continent aurait pu être s’il n’avait pas subi des centaines d’années de colonisati­on”, dit-il. “Je suis berbère, je suis africain, les identités ici sont profondéme­nt métissées. Pourtant, une filiation assez artificiel­le avec le Moyen-Orient a été construite à travers l’appellatio­n ‘arabe’, même si j’ai beaucoup plus de chances d’avoir un ancêtre du Mali que d’Abu Dhabi”, ajoute-t-il. Et cela porte ses fruits à travers le monde : il reçoit les prix, entre autres, du meilleur couturier de mode masculine lors de l’Arise Magazine Fashion Week à Lagos, le prix du Jury et du Public à l’événement berlinois Createurop­e. Et lance le festival Contempora­ry Moroccan Roots, invitant un large panel d’artistes à redéfinir leur vision d’un Maroc actuel. “Thank you for your stereotype­s, I am building my own aesthetics” (“Merci pour vos stéréotype­s, je construis ma propre esthétique”), prévient son site, et c’est précisémen­t ce qu’il fait : un regard local délesté des attentes, avec un discours sans frontières. Alice Pfeiffer

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