Les Inrockuptibles

FIRST AID KIT La paire suédoise se fait plus live et moins lisse

Débarrassé du son trop lisse des précédents, le quatrième album des frangines suédoises de FIRST AID KIT part vers des territoire­s plus sombres. Adieu paillettes, bonjour tristesse.

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DONNANT SUITE AU CHATOYANT

“STAY GOLD”, Johanna et Klara Söderberg présentent Ruins, un album bien moins lisse que leurs ouvrages précédents, et hanté d’un bout à l’autre par un amour déchu, celui éprouvé par Klara. C’est dans la grisaille humide de Manchester, où la benjamine habite à l’époque, qu’elle commence à désamorcer avec sa plume la douleur de la rupture. Rejoignant sa soeur aînée Johanna à Los Angeles, elle tente de mettre de l’ordre dans son coeur et dans leurs idées. Un air californie­n qui leur est bénéfique et leur insuffle une énergie nouvelle, 60’s

(To Live a Life) et cheesy (Fireworks), sans renier pour autant leur amour immodéré pour le King (Postcard). A la fois très personnel et évidemment thérapeuti­que, ce disque permet également à la fratrie Söderberg d’expériment­er de nouvelles facettes de son art en s’émancipant de l’étiquette country, affichant un profil plus sombre, brut et moins poli, comme le précise Johanna : “On nous disait souvent ‘on adore vos lives mais vos albums sont trop parfaits, trop élégants’.”

Pour mettre en oeuvre leur mue, elles font appel au producteur américain Tucker Martine (My Morning Jacket, Laura Veirs, The Decemberis­ts), qui les reçoit dans son studio à Portland,

en Oregon : “C’était magnifique là-bas, ça nous rappelait la Suède. A l’intérieur, tout était en bois et cosy, avec des bougies.” L’album est enregistré en plein hiver, pendant une tempête de neige, et les deux soeurs mettent à peine le nez dehors. Pendant six semaines, elles vivent dans ce studio et passent “14 heures par jour à jouer de la musique”. Privilégia­nt l’esprit live, plus spontané et naturel, elles enregistre­nt presque tous les instrument­s et les voix en même temps : “On avait un groupe qui jouait avec nous, il fallait donc jouer chaque chanson presque vingt fois.” Déchargean­t toute sa tension amoureuse sur ses six cordes, Klara se met “pour

la première fois” à la guitare électrique, et invite à ses côtés de nombreux cuivres qui renforcent l’intensité émotionnel­le de Ruins.

Pour les accompagne­r en studio, Tucker Martine fait appel à ses fidèles amis musiciens, comme Peter Buck de R.E.M. à la guitare douze cordes et à la mandoline, mais aussi à deux batteurs de renom : Glenn Kotche de Wilco et McKenzie Smith de Midlake – “chacun

jouant avec son propre style”. Ou encore à une chorale improvisée réunissant leur maman, petit frère, et la femme du producteur, Laura Veirs (sur Hem of Her Dress).

Cherchant à sortir de leur zone de confort, les soeurs de 24 et 27 ans se révèlent sur le titre final Nothing Has

to Be True. Y abandonnan­t leurs fidèles harmonies vocales, elles s’y répondent successive­ment, plus vives que jamais, avant de clôturer le disque dans un grand fracas noisy, une transe, un réveil violent : “On voulait que cette douleur puisse être palpable.” Une page se tourne. Abigaïl Aïnouz

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Album Ruins (Columbia/ Sony), sortie le 19 janvier Concert Le 5 mars à Paris (Cigale)

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