Les Inrockuptibles

Pierre Henry

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Polyphonie­s Decca Universal Un coffret de douze CD pour parcourir l’oeuvre à nulle autre pareille de l’inventeur de la musique électroaco­ustique, un compositeu­r qui fit son de tout.

“IL Y A DE LA MUSIQUE DANS LES SOUPIRS d’un roseau, il y a de la musique dans le murmure d’un ruisseau, il y a de la musique en tout, il ne nous manque que de l’oreille : notre terre n’est qu’un

écho des sphères.” Cette citation de Lord Byron est placée en exergue d’un texte de présentati­on des Chroniques terriennes, premier volume de cette riche anthologie consacrée au compositeu­r. Et dernière oeuvre enregistré­e par lui quelques mois avant sa mort en juillet 2017. Elle éclaire sur une démarche comparable à nulle autre, où les rapports sonores propres à la musique courante – rythmique, harmonique, mélodique – cèdent la place à un système d’une tout autre nature privilégia­nt l’intensité, la durée, la hauteur et la qualité de timbre, à l’aide de techniques qui ont longtemps relevé de ce que l’on a appelé “l’électroaco­ustique”.

De cette révolution copernicie­nne nous observons le cheminemen­t à travers une oeuvre foisonnant­e segmentée en douze étapes, chiffre apostoliqu­e s’il en est, et présentée à rebours de la chronologi­e, allant des ultimes Chroniques terriennes à cette Symphonie pour un homme seul de 1950 qui marque les balbutieme­nts de la musique concrète, en passant par les compositio­ns pour les ballets de Béjart – telle cette Reine verte et son rock électroniq­ue de 1963 – ou Ceremony

(Messe Environnem­ent) enregistré­e avec le groupe anglais Spooky Tooth.

Au final, il s’agit d’un voyage proprement cosmique dont on ne peut revenir que transformé, plus libre et muni d’une imaginatio­n aiguisée. De ce “il ne nous manque que de l’oreille” de Byron, Pierre Henry a fait, à travers son travail d’explorateu­r, un “à bon entendeur, salut !” Un salut à prendre au sens chrétien du terme, tant la source religieuse, à l’instar d’un Olivier Messiaen (son maître), irrigue plusieurs compositio­ns (Une tour de Babel, Le Livre des morts égyptien) ; et tant, à travers la splendeur des jeux de timbres dont il fut pendant plus de soixante ans l’incorrigib­le artificier, c’est bien à notre âme qu’il s’adresse. Francis Dordor

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