Les Inrockuptibles

La chronique des disques en accéléré

De la pop pétaradant­e avec HOLLYSIZ, du r’n’b contemplat­if avec SIN FANG, SÓLEY & ORVAR SMÁRASON, de la soul-rock avec BELLE ADAIR, des chansons qui hurlent “New York” avec BEECHWOOD et du rock agité avec NO AGE.

-

DE JOAN JETT À BLONDIE, DE BETH DITTO

À CYNDI LAUPER, le tube pop ne s’encombre pas toujours du bon goût, des élégances de saison. Il peut se vautrer dans une délicieuse vulgarité, contourner les filtres habituels au nom de l’efficacité, du bonheur acidulé. On est donc certain que HollySiz connaît sa pop sur le bout des doigts, pièges comme astuces. Diabolique­ment calibré, Rather Than Talking n’est pourtant pas seulement la démonstrat­ion de force que laisserait entendre ses deux premiers titres : de Karma à I Will, il abrite d’authentiqu­es trouvaille­s pop, le genre de morceaux compliqués mais d’une simplicité désarmante, le genre de refrain que le cerveau repousse mais que le corps adopte. La présence de Luke Jenner (The Rapture) n’est sans doute pas pour rien dans ces flirts disco, ces grooves salaces, ces noces barbares entre beats et guitares. On tient déjà le plaisir coupable de ce début d’année. Ou c’est lui qui nous tient.

On peut aimer la pop moins pétaradant­e, moins colorée, plus retenue voire ascétique. Venues d’Islande, avec ses couleurs délavées et leur pop laineuse, les chansons à six mains (et trois cerveaux rêvasseurs) de Sin Fang,

Sóley & Orvar Smárason pratiquent volontiers l’enchanteme­nt. On ne sait pas comment se dit “l’entre-soi” en Islandais, mais ces musiciens de chambrette calfeutrée le pratiquent avec volupté, reprenant les leçons du groupe de Smárason (Múm) en matière de gestion de lenteur et mutisme. Voeu de silence troublé de beats r’n’b lointains, comme étouffés par une congère (Tennis), par des mélopées miniatures qui tentent de réchauffer la nuit, de repousser la peur du noir (Love Will Leave You

Cold). Rarement beats n’auront été si pâlichons. Comme les Alabama Shakes, le quatuor

Belle Adair vient de la région de Muscle Shoals, dans l’Alabama. Comme les Alabama Skakes, Belle Adair s’accomode de cet écrasant héritage soul : à la furie des premiers, le groupe préfère une élégance un peu surannée, celle de Wilco (chez qui cet album a été mixé) ou des Posies. Car il y a du Big Star en pagaille dans Tuscumbia, dans cette façon de faire carilloner des guitares à la Byrds sur des arrangemen­ts à la ferveur soul. Vintage, mais sans naphtaline.

Vintages eux aussi jusque dans leurs dégaines de proxos dans un épisode sépia de Starsky

& Hutch, jusque dans une reprise défoncée des Kinks, les New-Yorkais de Beechwoood ont quand même demandé à la poussière d’éviter leurs chansons… Et effectivem­ent, elle ne s’accroche pas à ces rengaines trop racées, trop perturbées pour se faire placarder au musée. Mais du Velvet et des riffs cinglants de Lou Reed on ne s’échappe pas facilement quand on joue de la guitare sale à New York – demandez aux Parquet Courts, aux Strokes. Alors fatalement, C/F sonne comme une suite accidentée de

Waiting for the Man, Land of Nod évoque les vapeurs toxiques du 69 Live. Le titre de l’album fait référence au “land of nod”, terre biblique abandonnée au chaos, bizarremen­t devenue par la suite allégorie du sommeil. Chez Beechwood, le mélange des deux : le pays d’un coma agité.

Un peu plus tournés vers le futur (spoiler : ça va mal finir), les Américains de No Age sont, comme disent les hippies de leur Californie,

rad, mélange de radicalité et de coolitude, qui agite leurs guitares sur des pop-songs à la frénésie canalisée en couches de bruit et de bonheur (Stuck in the Chager, Send Me). La nouveauté de ce cinquième album, c’est l’omniprésen­ce des refrains, même plus sabotés par l’abrasivité des guitares, qui ont gagné en précision ce qu’elles ont abandonné en dispersion arty. Ce qui fait du duo l’héritier parfait, en plus mélodique, de la pop fondamenta­le de Hüsker Dü, matrice de Pavement, Pixies ou Nirvana. No Age sera en concert à Paris (Point Ephémère) le 27 mars : jusque-là, on préconise ces électrocho­cs à toutes et tous. JD Beauvallet Rather Than Talking de HollySiz (Parlophone/WEA), Team Dreams de Sin Fang, Sóley & Orvar Smárason (Morr Music), Tuscumbia de Belle Adair (Single Lock/Modulor), Songs from the Land of Nod de Beechwood (Alive/Bertus), Snares Like a Haircut de No Age (Drag City/Modulor)

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France