Les Inrockuptibles

D’une autre constituti­on

Le play-boy du titre, c’est elle : Constance Debré, fille de François et nièce de Jean-Louis, signe un roman sous le signe de la rupture. Et elle est énervée.

- Gérard Lefort

C’EST TOUJOURS PESANT d’être un fils ou une fille de famille. La charge est démultipli­ée quand cette famille est “célèbre”. Dans Play boy, son premier roman, Constance Debré ne dissimule guère que derrière son patronyme est embusquée une généalogie franco-française dont l’arbre a tout d’un vieux chêne : fille de François, nièce de Jean-Louis, petite-fille de Michel, Premier ministre de mon Général, arrière-petite-fille de Robert, pédiatre historique. Autant de racines embourbées, autant de branches lourdes à porter.

Comme un massacre à la tronçonneu­se dans une fiche Wikipédia, Play boy déclare la guerre autant à une famille (je vous hais) qu’à un genre à part dont Constance D. refuse qu’il soit enfermé dans une seule cage : quarantena­ire, avocate, divorcée, mère, lesbienne. De son père drogué, elle dit “cet enculé”. De son grand-père notable “qu’il était plouc dans chacun de ses gestes”. De sa mère vaguement aristo, qu’“elle élevait des teckels. C’était ridicule des teckels pour une femme si grande”. Et d’elle alors ? “Quitte ou double mon amour. Je ne suis pas gay. Moi aussi, moi non plus. Mords-moi les seins. Ce n’est pas homo, c’est sexuel.” Léger détail augmentant ce joli trouble : le play-boy du titre, c’est elle.

Bref, ça swingue hard-rock dans la famille Debré si l’on pioche la Constance. Bonne pioche, car la méchante fille a du style, qui envoie promener les affèteries (elle dirait “les enculeries”) pour se ruer sur un laconisme tragi-comique plus perforant qu’une balle dans la tête, et plus performant qu’un coup de pied au cul. Compte-rendu d’une rupture : “Ça été facile de la quitter. J’ai commandé un Coca, elle a pris un Perrier, je lui ai dit que je ne la verrais plus.”

Il y a du Fritz Zorn (Constance de Mars ?) dans cette colère au bazooka, qu’il lui fait répéter quarante-sept fois “Va te faire

enculer” quand elle évoque son ex-mari. Impitoyabl­e scrutatric­e de sa fébrilité, Constance Debré est de la race des nerveux distinguée par Proust. Elle dit d’elle comme des membres flageolant­s de sa

famille : “Nous sommes des gens qui allons très mal.Voilà, on est né comme ça. Du coup on est forcé d’essayer des trucs pour essayer d’aller mieux. D’être juif ou homo ou camé par exemple. Parfois ça marche un peu. Parfois pas. De toute façon il faut bien faire quelque chose avec le manque et l’absence.” Oui, par exemple un roman. Play boy (Stock), 188 p., 18 €

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France