Les Inrockuptibles

Albert Hammond Jr

Francis Trouble Red Bull Records Rangé des excès, le plus fécond des Strokes publie un quatrième album teigneux et jubilatoir­e, sous influence Bowie.

- Romain Burrel

2018, LES STROKES SONT EN MIETTES. Nick Valensi, Nikolai Fraiture et Fabrizio Moretti n’en rament pas une. Julian Casablanca­s s’enfonce (avec bonheur) dans l’adultère avec ses Voidz. Quant à Albert Hammond Jr, musicien le plus prolifique de la clique new-yorkaise, il publie un quatrième album solo sur un label d’energy drink (Red Bull Records).

Plus débraillé que son prédécesse­ur ( Momentary Masters, paru en 2015), Francis Trouble se rapproche du son nerveux que le guitariste a trademarké avec sa bande. Sobre depuis un bon bout de temps (Hammond a décroché de l’héroïne en 2009), le musicien s’autorise enfin, à 37 ans, à lâcher un peu de vapeur. Quelques confidence­s aussi. Puisqu’il explore ici ses angoisses et même ses traumatism­es in utero : l’album est dédié à un frère jumeau, Francis, mort avant terme et dont l’un des ongles resta flotter dans le liquide amniotique de maman jusqu’à la naissance d’Albert…

Une figure tutélaire s’impose d’emblée : celle de David Bowie. Intellectu­ellement, d’abord,

car le transformi­ste du rock a lui aussi régulièrem­ent fait référence à son frère, décédé, Terry. Mais aussi soniquemen­t, lorsque Hammond incruste le motif de Lust for Life d’Iggy Pop (produit par le Ziggy) au coeur du titre qui ouvre l’album (DvsL).

Avec ses guitares rêches (Far away Truths, Muted Beatings) ou plus rarement groove (Stop and Go), le disque s’enroule autour des obsessions plus ou moins antiques du musicien : ScreaMER et ses choeurs stoniens, les harmonies vocales des premiers Beatles sur Set to Attack…

De la nostalgie, camarade ! Mais aussi quelques flashs de modernité. Comme ce Rocky’s Late Night, introduit au synthé, parfaite réponse aux coucheries contre nature de Casablanca­s avec les Daft Punk.

Il y a quelque chose d’émouvant à écouter ce musicien fouiller sans honte ni cynisme les entrailles de cette musique rock, dont on nous rabâche qu’elle est déjà morte. C’est ce genre de disque, honnête et généreux, qui continue de lui masser le coeur. Jusqu’à la résurrecti­on ?

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