Une utopie dans la brousse
Baloji a tourné le clip de Peau de chagrin-Bleu de nuit dans un lieu d’art étonnant, le CATPC de Lusanga.
La première fois que Baloji est allé à Lusanga, c’était en juillet 2017 pour réaliser la photo de pochette de son album. Il avait entendu parler de cet endroit improbable, une ancienne palmeraie propriété du groupe agroalimentaire Unilever, récemment reconvertie en coopérative d’artistes (le CATPC, Cercle d’art des travailleurs de plantation congolaise), assortie de projets de développement agricole et de réflexion artistique et critique. L’artiste néerlandais Renzo Martens en est à l’origine. “L’argent généré par les plantations a servi dans les pays du Nord à financer des musées et des artistes. Aujourd’hui, il existe des oeuvres critiques sur l’état du monde, la pauvreté en Afrique ou les réfugiés. Elles sont présentées à New York ou Venise, mais leurs retombées économiques reviennent rarement sur le terrain. Ici, on essaie de redresser ça, d’inscrire la source dans le flux de la mondialisation. Le but est de prouver qu’un art critique envers les inégalités peut créer de l’égalité”, explique-t-il. Designé par le cabinet de Rem Koolhas et inauguré il y a un an, le “white cube” de Lusanga est l’acte artistique ultime de Renzo Martens. En attendant de recevoir un toit et d’accueillir des expositions, il a une fonction symbolique : le rapatriement d’un modèle. Mais juste devant le musée pousse l’aspect pratique : la “post-plantation”, un champ consacré à l’agriculture vivrière et raisonnée. Les artistes affiliés au CATPC ont fabriqué les décors de la vidéo de Baloji, et certains y figurent. “Mon rêve pour cet endroit, c’est qu’il devienne un paradis pour l’art, où des gens de l’extérieur viennent et aient envie de revenir”, explique Cédric Tamasala, un des artistes de Lusanga.