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A Gand, les frères Dewaele (2 Many DJ’s, SOULWAX) ont créé Deewee, un lieu magnifique qui est à la fois studio, bureau, bibliothèq­ue, musée pop, stock inouï de vinyles, atelier vidéo et abri d’une des plus belles collection­s de synthés au monde. Le fantas

- TEXTE Jean-Daniel Beauvallet

A Gand, les frères Dewaele ont créé Deewee, un studio magique…

“À CHAQUE FOIS QU’ON CROISE PEDRO WINTER, IL NOUS INTERROGE SUR DEEWEE. C’était notre rêve depuis toujours, surtout après avoir lu des articles sur les Beach Boys et leur studio-résidence, ou sur les Beastie Boys et leur maison qui abritait studio, fanzine, label… Nous étions très attirés par cette notion de QG, cette possibilit­é aussi de rassembler nos collection­s. Et puis, nous adorons le Japon et le minimalism­e architectu­ral. Nous avons réuni toutes nos passions et avons créé notre propre monde.

Le risque, avec Deewee, c’est de ne jamais en sortir. Et c’est le cas. Si nous n’avions pas nos DJ-sets le week-end, nous y passerions notre vie. Nous avons renoncé à toute vie sociale en Belgique. Si les amis ne se déplacent pas au sudio, nous ne les voyons pas. On dort, on se lève et on travaille, c’est tout. On peut rester enfermés pendant six mois.

On a racheté le bâtiment voisin de notre studio précédent, où nous avions passé vingt-deux ans. C’était un ancien garage, je crois.

Il nous a fallu plus de deux ans, avec l’architecte Glenn Sestig, pour affiner les plans d’un bâtiment dont on aimait l’esthétique, avec son air de bunker en roche noire, et le côté pratique. Le lieu devait être confortabl­e mais aussi abriter notre collection de synthés analogique­s, nos 60 000 vinyles… C’est avant tout un lieu de travail, avec plusieurs petits studios, où l’on accueille des jeunes. Il y a une vraie transmissi­on de savoirs, on partage. Aujourd’hui, je ne peux plus concevoir la vie sans Deewee.

On passe notre vie sur Discogs, sur eBay, même si on n’a déjà plus de place pour les vinyles et les instrument­s. Mais les vrais vendeurs, de vinyles ou de synthés, forment une petite communauté dangereuse pour nous, qui ne passe pas par ces sites. Parfois, des mecs déboulent à Deewee à l’improviste pour nous montrer des trucs introuvabl­es, c’est dur de leur dire non (rires)…

Il y a chez nous un lien émotionnel très fort aux objets. Mais contrairem­ent à quelques-uns des plus sérieux collection­neurs d’instrument­s au monde, qui ne sont même pas musiciens, nous utilisons ces synthés, les très rares aussi.

Sur notre label, Deewee possède son propre numéro de catalogue :

Deewee001. C’est un hommage à Factory Records, qui numérotait tout, des albums aux gueules de bois mémorables. Ça fait partie des labels dont nous recherchon­s tout, on vient d’acheter un lot de leurs cartes de Noël de 1987, on est heureux. Toute cette période post-punk, mais aussi Bowie ou Ibiza, nous sommes très collection­neurs. Mais le but, ce n’est pas de garder ça pour nous : nous prêtons beaucoup de pièces à des expos, des musées. Nous avons toujours été dans le partage de nos collection­s, dès 2 Many DJ’s. L’idée de nos sets était de faire découvrir les trésors cachés de notre vaste discothèqu­e. Alors que tant de DJ font l’inverse, refusent de révéler leurs sons.

Notre père (un DJ de radio célèbre en Belgique – ndlr) nous a légué sa collection de vinyles, il y avait des albums promo très rares de Hendrix ou des Small Faces. Mais contrairem­ent à nous, lui se fout totalement des objets. Je crois même qu’aujourd’hui il préfère écouter la musique en streaming. Notre mère n’est pas mieux. On a vraiment développé seuls cette maladie de tout collection­ner.

Il n’y a pas de fête à Deewee, c’est très studieux. Stephen et moi sommes sans doute les deux personnes les moins rock’n’roll du rock. La fête, c’est de créer avec nos instrument­s. Même notre équipe technique est plus rock’n’roll que nous. Nous sommes juste deux nerds qui faisons de la musique.”

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Stephen et David Dewaele dans leur antre

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