Les Inrockuptibles

La chronique des pépites Ed Banger en accéléré

- François Moreau

SQUARPUSHE­R en mode funky, le son crunchy façon bootleg de MICKEY MOONLIGHT, la house de New York de DJ MEHDI, et un remix de rêve de SEBASTIAN.

“JE SUIS LE MÊME PEDRO QUI SIGNAIT LE DISQUE DE FLASH EN 2003.” Calé dans son repaire du XVIIIe arrondisse­ment de Paris, où s’amoncelle une collection ahurissant­e de maxis, K7 de Stardust, Kenny Dope, Black Sabbath et goodies flanqués du sceau Ed Banger, Pedro Winter passe en revue la discograph­ie de son label. Le type a beau posséder un tableau posé entre deux disques d’or de Daft Punk et Justice le représenta­nt en Joconde, il reste humble, au point de ne mettre en avant que les sorties de ses artistes et d’oublier de mentionner les Pedrophili­a, Still Busy et autres petites claques signées Busy P.

A ceux qui douteraien­t de l’amour que Pedro et sa clique portent à la musique électroniq­ue, il répond en brandissan­t Shobaleade­r One, le maxi de Squarpushe­r. Un projet funky qui tranche avec les influences drum’n’bass de l’Anglais et colle à l’ADN Ed Banger, que le label Warp propose en co-release à Pedro via un simple mail.

So Me se charge de la pochette, censée représente­r un samouraï, mais elle ressemble davantage à un tableau d’Otto Dix. Peu importe : “Sortir un maxi de Squarpushe­r, pour le fan de musique électroniq­ue que je suis c’est énorme, confie Pedro. Et ça permettait de faire le lien avec Warp, un label que l’on respecte énormément et qui nous a beaucoup inspirés.”

Un an plus tard, il sort son “maxi préféré du label ever” et frappe un grand coup en demandant à Trevor Jackson de remixer Close to Everything, de Mickey Moonlight (feat. George Lewis Jnr aka Twin Shadow). Un son crunchy façon bootleg retrouvé dans une vieille cave de Chicago, pour un maxi sorti en white label à seulement 500 exemplaire­s. Le storytelli­ng est parfait : Pedro fait croire qu’il s’agit d’un vieux live de Playgroup enregistré en 1986 au club Riviera, à Chi-city et pousse même le vice jusqu’à glisser des flyers de la soirée dans la pochette du vinyle. Génie.

Quelques années plus tôt, en 2006, premier maxi de DJ Mehdi avant la release de son album Lucky Boy. Introduit à la musique électroniq­ue par Gilb’R (Versatile Records) et Pedro himself, Mehdi se met à écouter Moodyman, Kenny Dope et tout ce qui peut faire danser la house nation de New York à Chicago, en passant par Detroit.

Pedro Winter demande un remix de I Am Somebody à Kenny Dope, qui la joue 1990 : “J’ai glissé à l’oreille de Kenny que je voulais que ça sonne comme Jam the Mace. Je suis un fan absolu, alors quand j’ai pu réunir Mehdi et Dope et que ce dernier a accepté une idée aussi old school, j’étais l’homme le plus heureux du monde”, se rappelle-t-il. Pedro est d’autant plus fier, qu’à l’époque du remix, la house mange son pain noir : “Il y a eu un petit tunnel durant lequel les ayatollahs ne voulaient que de la techno et avaient délaissé la house de New York. Tout le monde s’en foutait, alors qu’aujourd’hui, les Masters At Work sont revenus au top et headlinent les plus gros festivals du monde.”

Toujours dans la catégorie des légendes, Pedro demande en 2011 un remix du tube de SebastiAn Embody, à DJ Premier. Le “Saint-Graal”, comme il dit, lui qui aura toujours eu un pied plus ancré que jamais dans le rap made in USA (au passage, il faut réécouter To Protect and Entertain, sa collab avec le rappeur californie­n Murs et le remix qu’en fit Mehdi, l’un des rares retours au sources hip-hop du kid d’Asnières). Le brief de Winter à Premier : fais-moi un truc qui sonne 90’s. Le producteur américain balance une première version, mais le CEO d’Ed Banger n’est pas convaincu : “C’était pas assez Premier”, lâche-t-il. La deuxième fois sera la bonne. Le scratch d’OutKast, un beat old school, bref, tout ce qu’il faut pour plaire à un label qui s’est construit sur des rêves de kids. Cerise sur le gâteau, Premier ne s’offusque même pas de se voir refuser son premier essai. Respect éternel.

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