Occidental de Neïl Beloufa

Huis clos stylisé dans un hôtel traversé par toutes les tensions du monde contemporain.

PREMIER LONG MÉTRAGE DU VIDÉASTE ET PLASTICIEN Neïl Beloufa, Occidental sort alors que L’Ennemi de mon ennemi, l’exposition du même artiste, est visible en ce moment au Palais de Tokyo à Paris. La tentation de faire dialoguer les deux oeuvres est grande. L’une comme l’autre donnent à voir un monde déserté par la cohérence, livré à une multitude de forces à la fois contraires et identiques. Ici, ce monde prend la forme d’un hôtel en dehors duquel gronde le chaos social et où menace l’anarchie totale. Ses couloirs sont traversés par le personnel de l’établissement, la police et surtout deux hommes tour à tour présentés comme des hors-la-loi, des amants, des séducteurs ou de simples touristes.

Alors que L’Ennemi de mon ennemi tente d’embrasser le monde dans toute son universalité, Occidental le réduit à l’échelle d’un huis clos. Dans un dispositif théâtral qui n’est pas sans rappeler Splendid’s de Jean Genet – même humour noir, mêmes décor et unité de temps (une nuit), même amour des gangsters, mêmes gravité travestie et paranoïa –, la suspicion règne. Postures et impostures s’enchaînent au sein d’un univers post-attentat autant que post-Nuit debout où se côtoient caméra de surveillance, mobilier 70’s, néons chatoyants et peintures classiques illustrant la Révolution française.

Au casting, on notera la présence de Hamza Meziani, vu dans Nocturama de Bertrand Bonello (2016), autre huis clos en forme de métaphore d’une société prête à basculer dans le chaos, et celle de Paul Hamy, qui depuis quelques films (L’Ornithologue, Malgré la nuit, 9 doigts) s’affirme comme une sorte de chevalier de l’Apocalypse, corps-support d’une fin imminente. Bien que parfois maladroit dans son recours à un éventail de signes surchargé de postures arty, Occidental est un premier film audacieux.

Occidental de Neïl Beloufa, avec Idir Chender, Anna Ivacheff, Paul Hamy, Hamza Meziani (Fr., 2017, 1 h 13)