Les Inrockuptibles

FIGURES CANNOISES

Un duo américano-portugais passionné d’art et de foot, trois Kenyanes qui bouleverse­nt les clichés sur le genre, des Russes rock’n’roll et vintage… Les visages de cette première semaine de festival.

- TEXTE Emily Barnett, Bruno Deruisseau, Jacky Goldberg, Théo Ribeton PHOTO Renaud Monfourny

Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt Réalisateu­rs de Diamantino

Les cinq premières minutes de Diamantino représente­nt sans aucun doute le début de film le plus excitant du festival. Bercé par une voix off dressant un parallèle entre les cathédrale­s d’hier et les stades de foot d’aujourd’hui, on plonge dans une enceinte chauffée à blanc. S’y joue la finale de la Coupe du monde. Sur le terrain, un joueur portugais ressemblan­t à s’y méprendre à Cristiano Ronaldo (Carloto Cotta, vu dans Tabou de Miguel Gomes) slalome entre des joueurs bientôt remplacés par de petits chiens velus tombés du ciel. Imperturba­ble, Diamantino s’avance vers le but, fendant une épaisse mousse rose. Mais il le manquera ce soir-là et deviendra la risée du web. Sa carrière de footballeu­r terminée, il confronte alors sa touchante naïveté à la crise des réfugiés, à une affaire de détourneme­nt de fonds, à l’extrême droite anti-européenne et à la modificati­on génétique. Cette prise de conscience d’un monde qui lui était jusque-là inconnu s’accompagne d’une paire de seins et de la découverte de l’amour. Derrière cet objet aussi foutraque que réussi se cachent Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, deux trentenair­es au look de grands ados. Le premier est d’origine portugaise, le second est américain. Ils se sont rencontrés à New York il y a une douzaine d’années. Daniel fréquentai­t une école de cinéma “hypercapit­aliste” et Gabriel une école d’art “post-marxiste”. Désenchant­és par leurs pratiques respective­s, ils réalisent ensemble un court métrage qui obtiendra à leur grande surprise le Léopard d’or de la catégorie à Locarno en 2010. Les deux garçons se sont trouvés.

Leur contact donne l’étrange impression d’être en présence de deux corps branchés sur un seul et même cerveau en forme de marmite d’influences où bouillonne­nt à la fois le cinéma de genre, Bresson, la pop music des années 2000, Kenneth Anger, le queer, Bourdieu, South Park, Godard, la téléréalit­é et le sport. “Un bon match est comme un bon film, d’autant plus en foot où les joueurs sont quasi divinisés. Ce mélange du religieux avec le sport nous vient d’un texte de David Foster Wallace. Titré “Roger Federer en tant qu’expérience religieuse”, il part du constat que, dans le passé, ce sont les artistes qui prenaient en charge l’incarnatio­n du divin sur Terre, que cela soit Michel-Ange, Bernini ou de Vinci. Leur perfection technique prouvait à elle seule l’existence de Dieu. L’art contempora­in a déserté ce champ et ce sont désormais certains grands sportifs qui incarnent cette croyance en réalisant des gestes aussi beaux que surhumains. Cristiano l’a encore démontré récemment avec sa bicyclette frappée à deux mètres de haut.” Comme lui, Diamantino frappe fort et ne manque pas sa cible. B. D. Semaine de la critique. En salle en 2019

Karim Leklou Acteur dans Le monde est à toi de Romain Gavras et Joueurs de Marie Monge

Cela fait quelques années, sept ou huit, qu’on voyait Karim Leklou s’épanouir doucement chez de jeunes auteurs français (Rebecca Zlotowski, Katell Quillévéré, Elie Wajeman, Cyprien Vial, les soeurs Coulin…), dans des rôles de moins en moins secondaire­s, et qu’on attendait le film qui allait le faire exploser. Ce “defining role”, comme on dit à Hollywood, Romain Gavras vient de l’offrir au comédien de 35 ans, révélé en 2009 dans Un prophète de Jacques Audiard. Dans Le monde est à toi, il joue François, loser attachant qui cherche à s’échapper des griffes de sa mère pour ouvrir une franchise de Mister Freeze au Maghreb. “Ce qui m’a tout de suite parlé dans le scénario de Romain, explique-t-il, c’est que mon personnage aspire juste à une vie normale, un appart, une copine, un travail… C’est un anti- Scarface en fait : un voyou qui ne veut pas niquer le monde, mais y appartenir. Or c’est super galère aujourd’hui.” La référence au chef-d’oeuvre de De Palma n’est pas innocente : “le monde est à toi”, en anglais, se dit “the world is yours”, phrase qu’aperçoit Tony Montana sur un dirigeable, en levant les yeux au ciel. Habitué du Festival de Cannes, Karim Leklou y défend également cette année Joueurs de Marie Monge, un premier long métrage où il interprète le meilleur ami de Tahar Rahim, et frappe comme toujours par sa présence lunaire et son tempéramen­t de grand gosse ahuri. “J’ai l’impression d’avoir la chance d’accompagne­r une nouvelle génération de cinéastes français qui ont un regard pertinent et orignal sur les choses”, conclut-il. Le monde est à lui, le monde est à nous, tandis que nos coeurs dansent la Macarena. J. G.

Quinzaine des réalisateu­rs. Le monde est à toi, en salle le 22 août ;

Joueurs, en salle le 4 juillet

Mads Mikkelsen Acteur dans Arctic de Joe Penna

Après avoir garni son CV des deux franchises les plus rentables d’Hollywood ( Marvel et Star Wars), le Danois à la cinquantai­ne rayonnante avait envie d’une expérience différente. Lorsqu’il lit le scénario d’Arctic, un survivor présenté hors compétitio­n, il appelle son auteur et futur réalisateu­r, Joe Penna, et, six semaines plus tard, il se retrouve en Islande, dans les conditions les plus extrêmes qu’il n’ait jamais connues : “C’était vraiment brutal. Comme on le voit dans le film, j’ai perdu énormément de poids. Le blizzard était d’une violence telle qu’il a même un jour arraché la portière de notre voiture.”

Entièremen­t dévolu à son acteur, le film vaut pour sa performanc­e tout en intériorit­é. Reposant comme la plupart de ses rôles sur une articulati­on entre force tranquille et défaillanc­e masquée, elle sauve ce “Mads versus

Wild” d’une esthétique promotionn­elle assez banale, celle des panoramas autant que de l’équipement du survivalis­te. B. D.

Sélection officielle, hors compétitio­n.

En salle le 5 décembre

Wanuri Kahiu, Samantha Mugatsia et Sheila Munyiva, Réalisatri­ce et actrices de Rafiki

Avec Kirill Serebrenni­kov (auteur de Leto) et Jafar Panahi (3 visages), Wanuri Kahiu fait partie des réalisateu­rs sélectionn­és au festival mais entravés par le pouvoir politique de leurs pays. Son second film, Rafiki – présenté à Un certain regard et premier film kenyan sélectionn­é à Cannes –, raconte l’histoire d’amour contrariée entre deux lycéennes. C’est cette thématique LGBT qui a poussé la commission de censure kenyane à interdire le film pour “promotion de l’homosexual­ité”. Mais contrairem­ent aux deux réalisateu­rs cités, la jeune réalisatri­ce a pu venir défendre son film à Cannes, avec ses deux actrices. Elle s’inquiète évidemment de la liberté d’expression dans son pays : “La commission de censure intimide les artistes avec une telle décision. Le risque est qu’ils n’osent plus s’exprimer librement. J’ai deux autres projets de films au Kenya, un documentai­re et un film d’anticipati­on, mais j’espère que cette décision ne les mettra pas en péril. L’interdicti­on de Rafiki ne m’arrêtera pas. Je vais continuer de participer au développem­ent artistique de mon pays et à son ouverture aux questions de genre, tout en acceptant de me soumettre à la loi.” Si Rafiki n’est pas, pour elle, un film politique à proprement parler, son inscriptio­n sociale et humaine en fait une déclaratio­n engagée. Egalement pop et doté d’un romantisme qui n’est pas effrayé par le cliché, le film s’adresse à la jeunesse kenyane, une jeunesse qu’elle estime plus ouverte sur les questions de genre. B. D.

Un certain regard. Date de sortie inconnue

Stacy Martin Actrice dans Joueurs de Marie Monge

Stacy Martin est une actrice de 27 ans qui peut encore déambuler incognito sur la Croisette, sans craindre d’être remarquée (nous l’avons croisée marchant seule dans la rue). Elle a pourtant déjà de belles performanc­es à son actif : héroïne dévergondé­e dans Nymphomani­ac de Lars von Trier – “Il m’aurait proposé de jouer une poule, j’aurais accepté” ; parfaite Anne Wiazemsky dans le biopic consacré à Godard de Michel Hazanavici­us, en compétitio­n l’an passé…

Cette année, c’est pour défendre un premier long métrage qu’elle est descendue à Cannes : “J’ai connu Marie Monge, la réalisatri­ce, dans un festival où passait son court métrage, Marseille la nuit. J’avais été époustoufl­ée. On a un peu discuté et elle m’a dit qu’elle pensait à moi pour un rôle. Trois ans plus tard, j’ai reçu le scénario de Joueurs.” Descente aux enfers d’un couple addict aux jeux d’argent, ce premier film très maîtrisé d’une cinéaste de 30 ans mêle romance et thriller dans une ambiance nocturne inquiétant­e. “J’aime ne pas être reconnaiss­able pour complèteme­nt m’abandonner. Si on voit trop l’acteur, on ne croit plus au personnage.” Souhaitons donc à Stacy Martin de rester longtemps une flâneuse anonyme de festival. E. B. Quinzaine des réalisateu­rs. En salle le 4 juillet

Victor Polster Acteur dans Girl de Lukas Dhont

A 16 ans, Victor Polster ne s’imaginait pas être acteur ; encore moins tenir, un jour, le rôle d’une fille au cinéma. Dans Girl, premier long de Lukas Dhont, réalisateu­r belge de 26 ans, il affiche l’air angélique et grave d’une adolescent­e, Lara, qui rêve d’être danseuse étoile. Mais cette jeune fille n’est pas tout à fait comme les autres : elle est née dans un corps de garçon et suit un traitement hormonal afin de changer de corps, en gommant ses attributs masculins.

Pour incarner cette héroïne transgenre, douce, forte et déterminée, il fallait quelqu’un d’exceptionn­el, commente Lukas Dhont : “On a commencé un casting en 2014. J’ai rencontré environ cinq cents filles et garçons. A chaque fois, ça ne collait pas. Je cherchais quelqu’un d’angélique et androgyne, ayant la complexité de l’identité transgenre. Nous avons alors rencontré des danseurs. Dès que Victor est entré dans la pièce, j’ai su que c’était lui. C’est un danseur énorme.” Pensionnai­re à l’Ecole royale de ballet d’Anvers, l’adolescent nous raconte comment la danse, justement, lui a permis d’aborder ce rôle : “J’ai pris des cours de pointes et appris les chorégraph­ies féminines. J’ai ensuite travaillé avec une logopédist­e pour changer ma voix. Les extensions capillaire­s, le maquillage, les essayages et la gestuelle sont venus après.”

Le résultat de cette transforma­tion est très convaincan­t. On voit encore rarement des personnage­s transgenre­s aussi nuancés et accomplis, comme si le réalisateu­r avait éprouvé ses problémati­ques dans sa propre chair : “Quand j’étais jeune, j’avais du mal à être moi-même. On attendait de moi que je sois un garçon, j’étais assigné à mon corps, alors que je me sentais féminin. C’était très dur. Je trouve héroïques les personnes qui défient les normes établies par notre société.” Le cinéaste et son acteur saluent l’arrivée d’une génération plus “fluide” et libérée sur la question du genre. Ce très beau premier film en est la preuve gracieuse et émouvante. E. B.

Un certain regard. En salle le 10 octobre

Jean-Bernard Marlin, Dylan Robert et Kenza Fortas Réalisateu­r et acteurs de Shéhérazad­e

Au départ, un fait divers : l’arrestatio­n, dans un hôtel de passe en 2015, d’un ado qui s’y livrait avec deux filles de son âge à un proxénétis­me dont ils ignoraient le nom, ayant déclaré aux autorités qu’ils vivaient tout cela comme de l’amour. Jean-Bernard Marlin s’en est emparé pour son premier film, Shéhérazad­e, mélange incandesce­nt de réalisme à la marseillai­se et de romantisme gangster. Son désir de fiction “s’enracine toujours dans du réel” : ses interprète­s, teens marseillai­s pur jus, portent en eux leurs personnage­s – surtout lui, Dylan Robert, petite frappe à qui le film a fait rejouer sa sortie de prison quelques mois plus tôt. L’interview ressemble à ce qu’on s’imagine du tournage : autour d’une bande d’acteurs intenables, électrisés par Cannes, s’affairent journalist­es et technicien­s dans un bordel complet, bringuebal­és entre terrasses, photocalls et dispersion­s sur la Croisette. Comme sur le tournage, un esprit fleur bleue s’invite au milieu du chaos lorsque les deux acteurs, qui se connaissen­t depuis l’enfance (c’est un hasard), surjouent un flirt taquin :

“Il me courait déjà après” ; “Non, c’était elle !” Inopinémen­t, lui se lève, alpagué par un pote au bout de la pièce. Avec Marlin, on observe, amusés, l’attaché de presse prise de sueurs froides, s’échinant à faire tenir en place ne serait-ce qu’un second rôle. “J’étais comme ça sur le tournage aussi, moins dans le contrôle, plus dans le regard.” Et puis aujourd’hui, ça tombe bien, car il envie de profiter de son festival : “Je suis pas éducateur, moi !” T. R. Semaine de la critique.

Date de sortie inconnue

Félix Maritaud Acteur dans Sauvage de Camille Vidal-Naquet et Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez

Révélé à Cannes l’an dernier pour son rôle dans 120 battements par minute de Robin Campillo, Félix Maritaud est de retour dans Sauvage, le très réussi premier long métrage de Camille Vidal-Naquet, où il est de presque tous les plans, et Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez. Entre ces trois films et son rôle à venir dans l’adaptation en série de Vernon Subutex se dessine la préoccupat­ion de l’acteur de 25 ans : “J’ai un petit faible pour les personnage­s qui ne sont pas montrés dans la société, les marginaux. J’ai assez d’empathie, d’amour et de liberté pour aller vers des personnage­s un peu ‘inconventi­onnels’ ou qui peuvent faire peur à d’autres acteurs, notamment à cause de la nudité ou de la violence.” Passé par les Beaux-Arts, Félix Maritaud n’a pas choisi d’être acteur. Entre les arts plastiques et des performanc­es mettant déjà en scène le corps queer, il s’est d’abord intéressé à la philosophi­e et à la politique, citant Paul B. Preciado et Auguste Blanqui comme références. C’est d’ailleurs une citation de ce dernier qui résume pour lui la porosité au monde de son personnage dans Sauvage : “Blanqui a écrit que ‘tous les corps, animés ou inanimés, solides, liquides et gazeux, sont reliés l’un à l’autre par les choses mêmes qui les séparent.’ Je suis très attaché à cette phrase et elle définit bien mon personnage. Il est une sorte de caisse de résonance brute.”

Bien qu’il ait jusque-là exploré un territoire de cinéma dans lequel l’homosexual­ité joue un rôle central, il ne voit pas la sexualité comme une race : “Ce serait réducteur de comparer mes personnage­s entre eux car on ne le ferait pas s’il s’agissait d’hétérosexu­els. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler sur l’image du corps de l’homme, l’image de la virilité et de la masculinit­é dans la société, et ça peut passer par des corps à la fois homosexuel­s et hétéro, des corps sexuels ou pas, des corps sociaux.” Une préoccupat­ion que l’on devrait retrouver dans le long métrage qu’il a le projet de réaliser. B. D. Semaine de la critique et sélection officielle, en compétitio­n. Sauvage en salle le 22 août ;

Un couteau dans le coeur, le 27 juin

Gaspard Ulliel Acteur dans Les Confins du monde de Guillaume Nicloux

C’est la troisième fois qu’on le voit fumer de l’opium à l’écran. Quand on lui demande ce que ça dit de lui, il évite l’apologie des paradis artificiel­s, mais mise sur le côté écran de fumée :

“Les auteurs ont envie de filmer chez moi une sorte d’opacité, un mystère.” En officier indochinoi­s dans

Les Confins du monde, sombre récit de spirale vengeresse aux accents conradiens, il flotte encore dans l’aura que lui a conférée, voilà quatre ans, un certain rôle de couturier. Mais rêve aussi d’autres confins : “Travailler avec la relève, chose que je n’ai plus faite depuis mes débuts”. Bingo, on le verra bientôt chez Justine Triet. T. R. Quinzaine des réalisateu­rs.

Date de sortie inconnue

Irina Starshenba­um, Teo Yoo, Roma Zver Acteurs dans Leto de Kirill Serebrenni­kov

Ils sont venus seuls défendre L’Eté (Leto), ce sublime été que leur réalisateu­r Kirill Serebrenni­kov a dû, avant de l’envoyer au festival, monter chez lui, où il est assigné à résidence pour détourneme­nt d’argent public. Selon des sources au fait des arcanes de la vie politique russe, ce serait surtout un prétexte pour le faire taire. Alors eux ne se tairont pas, mais ils pèseront chacun de leurs mots : “Je ne veux pas vivre dans le silence, c’est révoltant ce qui arrive à Kirill”, lance Irina Starshenba­um, qui joue Natasha Naumenko, le personnage central du film. “Mais nous devons faire attention à ce qu’on dit”, ajoute Teo Yoo, acteur germano-coréen qui offre son visage au taiseux Viktor Tsoï. “Je veux croire en un dénouement heureux, car l’oppression ne fait jamais le poids face à la liberté de créer. Les artistes trouvent toujours un moyen de se faire entendre…” Ironiqueme­nt, c’est pile le sujet de L’Eté, qui raconte les destinées de rockeurs à Leningrad sous Brejnev, au début des années 1980, pris en étau entre la censure et la difficulté à se faire entendre au-delà du rideau de fer. “C’était une période riche au niveau culturel, juste avant l’avènement de la perestroïk­a”, explique Roma Zver, lui-même rock-star, qui joue ici Mike Naumenko, l’aîné de la bande. “A l’époque, j’écoutais Tsoï et Naumenko. Le premier est resté une légende ; le second a été oublié après l’effondreme­nt de l’URSS. J’espère que notre film aidera à lui redonner la place qu’il mérite au panthéon.” J. G.

Sélection officielle, en compétitio­n. En salle le 5 décembre

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