Les Inrockuptibles

A la force des poings

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La nuit à Cannes, des excès en tout genre, des bagarres et Bagarre, les nappes ouatées d’Arnaud Rebotini et un remix rêvé de tous les hits entendus dans des films du festival.

On le sait : il y a des bagarres à Cannes. Certaines opposent des critiques à la langue bien pendue aux cinéastes qu’ils aiment égratigner. D’autres plus publiques voient le festival griffer Hollywood lui-même, quand il croise le fer avec Netflix et autres nouveaux mastodonte­s de l’écran. Chaque soir, c’est dans la file d’attente des fêtes se déroulant sur la plage que la guerre des cartons d’invitation fait rage. Il faut aussi savoir en découdre à la Villa Schweppes.

Car la terrasse où l’institutio­n noctambule a établi sa villégiatu­re cannoise depuis quelques années accueille une programmat­ion qui fait des envieux, et il y a une heure de la nuit où il vaut mieux éviter le parvis du rez-de-chaussée, tant il y règne une atmosphère de navire en folie, avec attroupeme­nts chaotiques d’encostumés à peine sortis du Palais pour y rentrer par une autre porte, prêts à tout pour se jeter corps et âme dans les chaloupes de la fête. On a titubé, cette première semaine, au son de Clara Luciani, qui ouvrait le bal jeudi entre les clous de son premier album, Sainte-Victoire, sur une cover fort à propos de The Bay de Metronomy (et pourquoi pas Méditerran­ée de Tino Rossi, tant qu’on y est). Ce sont les collectifs fraîchemen­t apparus dans le paysage pop qui ont assuré la continuité. On aurait pu croire que c’était la pluie qui avait soudain, dimanche soir, rabattu les fumeurs de la terrasse vers l’intérieur du club, mais non : il y avait encore mieux pour se réchauffer à l’intérieur, sous le feutre disco de L’Impératric­e. Quelques jours plus tôt, encore une bagarre – enfin plutôt un Bagarre, donc pas besoin d’appeler la police. Le gang de pop-clubbeurs ne fait de mal à personne ; à la seule condition de surveiller ses arrières pendant le pogo.

Ce qu’on a préféré, nous, c’est Arnaud Rebotini. Le DJ à moustache et carrure de taureau est là en son royaume : c’est ici et nulle part ailleurs qu’a démarré, il y a un an, l’aventure qui l’a mené en mars sur la scène de la salle Pleyel où il recevait son César pour la musique de 120 battements par minute, de Robin Campillo. Ici, c’est au son d’un certain Smalltown Boy de Bronski Beat, qu’on attend comme le loup blanc, guettant au hasard des transition­s l’arrivée du falsetto céleste de Jimmy Somerville et de ce néohymne cannois.

Qui sera là l’année prochaine à sa place sur l’estrade de la Villa Schweppes ? La réponse est-elle cachée dans les tubes pop offerts par la compétitio­n officielle ? Massive Attack – dont One Love ouvre le film de Christophe Honoré ? The Blaze – dont Heaven clôt Nos batailles de Guillaume Senez ? On a entendu YMCA dans le film de Jia Zhangke, alors on s’inquiète… En attendant, on sait au moins qui sera là la semaine prochaine : Orelsan, Eddy De Pretto pour ne citer qu’eux. C’est un peu plus rassurant.

Théo Ribeton Photo Renaud Monfourny

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Clara Luciani

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