Barbara Carlotti
Magnétique Elektra/Warner
Après six ans d’absence, la plus classe des chanteuses françaises réalise un album de rêve(s).
SI ELLE N’A PAS PUBLIÉ D’ALBUM DEPUIS 2012 (un siècle, en temps numérique), Barbara Carlotti a su occuper l’espace mieux que personne en confrontant son médium originel, la chanson, à des stimulations sensorielles multiples et complémentaires.
De la radio, où elle officia avec grâce et fantaisie le temps d’une saison sur France Inter, jusqu’à ses Laboratoires oniriques proposés sur scène à des artistes explorateurs partageant avec elle le goût des illusions, elle a propagé vers l’extérieur des ondes qui, en retour, viennent nourrir aujourd’hui son cosmos intérieur. Tout au long de Magnétique, il n’est question que d’attraction, d’énergie sismique et de corps célestes qui exultent, avec le royaume des nuits pour théâtre et les rêves comme matière hallucinatoire. Après une quinzaine d’années à pratiquer le songwriting de haute volée, Carlotti donne à présent dans le songes-writing sans rien perdre de sa belle altitude.
En démarrage de sa dream-machine personnelle, elle réunit avec Voir les étoiles tomber tous les canons de la pop éternelle appris chez les Zombies et les Beatles, trompettes Penny Lane comprises. Après un tel baptême au septième ciel, le champ
de Magnétique n’a plus qu’à déployer ses fluides et laisser la voix de duchesse de Barbara produire ses effets troubles, avec Benoît de Villeneuve et quelques fins marchands de sable (Thomas de Pourquery et ses cuivres ondoyants) pour en bâtir les châteaux.
A d’autres la variété verdâtre ou l’electro-pop régressive : ici, il n’existe aucune place pour les nostalgies faisandées, car dans les rêves le temps et les époques se confondent et se taquinent, comme chez Burgalat (qui lui donne la réplique sur Tout ce que tu touches) l’empirisme musical étant ici de mise. A ses images hypnagogiques formulées dans une langue sensuelle et distinguée, cette fée des songes coordonne sa culture pléthorique en matière de pop luxueuse, de new-wave sans clichés et de chanson capiteuse. Un rêve sonore, étrange et réconfortant à la fois, où le réveil est une déchirure.