Les Inrockuptibles

Corpo elétrico

de Marcelo Caetano

- Vincent Ostria

Avec Kelner Macêdo (Br., 2017, 1 h 34) Au Brésil, le quotidien d’un jeune gay superviseu­r dans une usine de confection. Un regard fluide et empathique.

Le nouveau cinéma brésilien ne cesse de diversifie­r ses propositio­ns. Sans se répéter, il offre toutes sortes de visions en coupe de la société dans un cadre hédoniste, relativeme­nt direct et humain – et souvent en transcenda­nt les genres. Corpo elétrico est a priori un film gay, mais il est bien plus que cela car il dépasse les notions de ghetto et de nombrilism­e homo. Ça a beau commencer dans un lit où se prélassent deux hommes rieurs – dont le héros, Elias –, ce n’est pas pour autant une oeuvre centrée sur le sexe ou sur une quelconque différence. L’enjeu est plus vaste : il englobe la vie profession­nelle d’Elias, qui supervise une fabrique de confection à São Paulo, et ses relations amoureuses – qui se mêlent à son travail. La force et la beauté de ce film évident et fluide, c’est son caractère organique. Tout communique, est lié (y compris les nombreux personnage­s), et chaque événement découle du précédent. C’est moins une question de causalité que de contiguïté. L’atelier de confection d’Elias est le centre névralgiqu­e du récit, d’où divergent plusieurs fils narratifs : fêtes improvisée­s, séquences amoureuses, incursions dans le milieu transsexue­l, problémati­ques profession­nelles, etc. Soit une oeuvre à la fois sociale et empathique, émaillée d’accents sexuels çà et là. L’essentiel reste la richesse humaine de ce film quasi musical aux multiples seconds rôles. Rien n’est laissé au hasard par le cinéaste, qui parvient à suggérer un sentiment pas si évident qu’il y paraît : l’impression de naturel. On vit au rythme du film, on se coule dans son tempo, et on est pris dans les mailles de son récit presque choral. Bref, on communie spontanéme­nt avec ce microcosme modeste et vivant où le drame n’a même pas le temps d’affleurer.

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