Les Inrockuptibles

Stephen Malkmus

Alors que les années 1990 font leur grand retour dans la pop-music, l’ancien leader de Pavement STEPHEN MALKMUS sort son meilleur album solo. Interview en mode légende cool.

- TEXTE Stéphane Deschamps PHOTO Giovanni Duca

Interview en mode légende cool avec l’ancien leader de Pavement qui sort un grand album solo

STEPHEN MALKMUS N’AVAIT

PAS SORTI D’ALBUM DEPUIS 2014. MAIS IL N’ÉTAIT PAS BIEN LOIN : on a entendu l’influence de Pavement, meilleur groupe des années 1990 dont il fut le leader, dans tout un tas de disques ces derniers temps, jusqu’aux euphorique­s Superorgan­ism, qui récemment reprenaien­t CutYour Hair, alors que leur minichante­use prétendait carrément être Stephen Malkmus. Parce qu’il n’y a sans doute rien de plus cool dans le monde que d’être Stephen Malkmus.

Pendant ce temps, le vrai, l’unique, le seul, l’irremplaça­ble Stephen Malkmus a vécu à Berlin avec sa copine artiste. Puis il est retourné chez lui à Portland (la riviera des préretrait­és du rock américain des 90’s), s’est occupé de ses enfants, a composé de la musique instrument­ale pour une série télé, ce qui l’a conduit à refaire des chansons pour lui, et à se poser des questions. Comme : “A quoi bon refaire un album de rock à guitares ?” Et la réponse est : “J’ai la cinquantai­ne, je ne peux pas me mentir là-dessus. Et j’ai des enfants, il faut les conduire à telle et telle activité, ça prend du temps. Faire ce disque, c’était une façon d’agir pour moi, en dehors de cette vie de famille prenante. Et puis j’ai écouté ce qui se faisait autour de moi en musique, et j’ai senti que j’avais encore des choses à dire. Tu peux te dire ‘Bon, c’est juste un album de plus de Malkmus’, mais celui-là a été plus réfléchi sur le son, les textes, le tempo.”

Et du coup, on peut le dire, Sparkle Hard, septième album solo de Malkmus (avec son groupe local The Jicks), est de loin son meilleur. On reconnaît le style Malkmus : mélodies pop douces-amères, arrangemen­ts acrobatiqu­es (avec cette fois-ci des cordes sur quelques chansons), voix d’éternel ado qui n’aura jamais fini de muer (et en improbable rêve de fan, un duo country avec Kim Gordon de Sonic Youth). Mais ici, plus qu’avant, tout est fluide et solaire, harmonieux dans le bazar apparent, gonflé d’une énergie retrouvée, comme rajeuni. Sur deux chansons, il y a même de l’Autotune.

“Ça m’amusait d’en mettre, tout le monde aime ça maintenant. Mais ça posait question quand même, un peu comme si je me regardais dans la glace avec le jean d’un mec de 18 ans en me demandant si c’est cool ou débile, si je peux vraiment sortir comme ça dans la rue.”

“J’aimerais que les Daft Punk ou Frank Ocean demandent à travailler avec moi”

STEPHEN MALKMUS

Retour de 90’s : il y a trois mois, les Breeders ont sorti un très bon album. Yo La Tengo pareil. Et ces jours-ci sort un post-classique des années 1990, le nouvel album de Courtney Barnett. Qu’en pense le héros d’époque ? “Peut-être qu’il y a une demande aujourd’hui pour un retour des guitares un peu sales, où l’on entend que des musiciens ont joué et que la voix a été enregistré­e en une prise. Avec les pro-tools, c’est très facile de faire de la musique chez soi, mais du coup tout sonne pareil. Le hip-hop ? J’aime les trucs populaires et je trouve ça fascinant. Il y a tellement de rappeurs en ce moment, c’est une compétitio­n, ça doit être très compliqué de mettre son pied dans la porte et de percer. Il y a peut-être une bulle spéculativ­e dans le hip-hop en ce moment.”

Stephen Malkmus ne rêve pas de centaines de millions de vues sur YouTube. Mais il réfléchit et tient à son statut dans le rock d’aujourd’hui. “Si tu regardes les icônes alternativ­es, liées à une avant-garde, comme Lou Reed, Leonard Cohen, Iggy Pop, Bowie, ils sont tous morts ou vont mourir. Il va y avoir un grand vide dans la culture. Si j’étais un label, je me dirais qu’il y a des places à prendre. Nick Cave ou Björk, qui sont tous deux des artistes pré-internet, sont en train d’acquérir ce statut. Ils durent et restent très bons. Ça me plairait d’en être, de garder la force de certains musiciens de cette génération. Mon disque est bien produit, j’aimerais qu’il plaise à des gens un peu jet-set, que les Daft Punk ou Frank Ocean demandent à travailler avec moi. Que n’importe qui d’un peu tendance l’aime, en fait. Et qu’il plaise à Parquet Courts. Et aux gamins, mais ça n’arrivera pas”, expliquet-il, toujours un peu pince-sans-rire.

Et non, Stephen Malkmus n’échappera pas à LA question : peut-on rêver d’un retour de Pavement, sur scène ou sur disque, prochainem­ent ? “Non, pas prochainem­ent en tout cas. J’ai trop à faire avec ce nouvel album. Il va être tellement énorme que je n’aurai pas de temps à consacrer à quoi que ce soit d’autre. OK, je blague...”

Album Sparkle Hard (Domino/Pias) Entretien intégral sur lesinrocks.com

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