Les Inrockuptibles

MAL-LOGEMENT ET FRISSON QUEER

Nuit après nuit, on apprécie le sens de la fête déliquesce­nt d’Orelsan ou Eddy de Pretto et on partage la piste avec Félix Maritaud dans un bain de sauvagerie et de tolérance.

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“OUAIS, J’HABITE SUR LE BALCON JUSTE EN FACE, C’EST COOL, IDÉALEMENT PLACÉ… ENFIN SAUF LE SOIR OÙ T’AS JOEYSTARR QUI JOUE et que t’essayais justement d’enfin dormir un peu.” Depuis la terrasse de la Villa Schweppes, où il m’apprend qu’il pourrait limite débouler en tyrolienne moyennant l’achat d’un peu d’équipement au Decathlon le plus proche, cet ami photograph­e a donc le toupet de se plaindre d’avoir accès depuis son lit aux concerts où toute la Croisette se presse chaque soir.

De toute façon, il n’est pas très crédible : s’il a quand même fait le déplacemen­t, c’est qu’il doit préférer cette Villa-ci à ce studio-là, peut-être en tout cas pour ce soir où Eddy de Pretto vient conclure dix jours de programmat­ion sans coup bas. C’est le dernier soir et son Fête de trop résonne comme un clin d’oeil – surtout qu’avanthier Orelsan récitait sa Fête est finie à un parterre de Cannois refusant d’obtempérer et préférant sauter partout (mais lui-même avait l’air de préférer qu’elle continue : “C’est bon, vous avez les bases”). On attendra le dernier moment pour vraiment lâcher la nuit et se remettre au boulot, mais on a compris le message crypté “back to business”, surtout quand l’ultime DJ à animer la Villa s’appelle Busy P. C’est bon, vous l’avez ?

Pour revenir à Eddy, le pourfendeu­r cristolien des virilités abusives tombe à pic, fermant le ban d’une édition qui a enfin donné le sentiment de faire reculer quelques vieilles normes masculinoc­annoises – un chroniqueu­r du Figaro a osé se demander quand démarrerai­t la “compétitio­n hétérosexu­elle”. Alors qu’il faut bien le dire : le frisson queer a heureuseme­nt irrigué les films, mais il s’est aussi propagé dans les nuits, agitant les pistes sous les pas de voguing de danseurs inspirés sans nul doute par ce qu’ils avaient vu de l’autre côté de l’écran. Qui a-t-on croisé aussi souvent sous la lune que Félix Maritaud, révélation Sauvage apparaissa­nt également dans le giallo porno soft de Yann Gonzalez ? Pas grand monde.

On retrouve notre ami photograph­e.

Il a certes eu un peu de mal à fermer l’oeil en ayant l’impression de partager la couche de JoeyStarr, mais reconnaît que d’autres programmat­ions plus electro-chic comme celle de Bon Entendeur et de Purple Disco Machine ont pu, moyennant une bonne fatigue initiale, envelopper agréableme­nt ses départs pour les bras de Morphée. L’an prochain, il reprendra le studio. Nous, on restera à la Villa. Théo Ribeton

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Eddy de Pretto live à la Villa Schweppes, le 18 mai

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