Les Inrockuptibles

Gueule d’ange de Vanessa Fihlo

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Un premier film assez touchant sur la dépression enfantine.

Devant un grand miroir, un mère se maquille en enquillant les verres de vin blanc, sa fille l’observe puis l’imite. La première va se marier. On comprend vite qu’elle est alcoolique et volage alors que son enfant attend d’être correcteme­nt aimée. Marion Cotillard se déchaîne en cagole. Sa présence au milieu d’un casting plus discret relève véritablem­ent du parachutag­e mal négocié et du phagocytag­e en règle. Chaque plan clame l’incapacité de l’actrice, particuliè­rement outrancièr­e ici, à atteindre une forme de justesse. Cette épreuve est toutefois suspendue par une belle parenthèse. Lors d’une soirée en boîte où la petite fille de 8 ans n’a rien à faire, elle va parvenir, en un plan, à s’emparer du film au détriment de sa mère, qui disparaît soudain. Poussant le mimétisme jusqu’à se lancer dans une danse lascive, elle emmène le film vers une suspension à la troublante étrangeté. Vanessa Filho, qui réalise ici son premier long métrage, met en scène ce corps d’enfant comme celui d’une poupée sexualisée, elle aussi alcoolique et surmaquill­ée. Investie du fantôme d’Eva Ionesco, la poupée va alors prendre toute la lumière. Elle finit par quitter l’appartemen­t maternel déserté pour se chercher une altérité. Elle porte son choix sur une ancienne vedette du plongeon, une sorte de vieux garçon désenchant­é incarné par un très bon Alban Lenoir. La rencontre de ces deux solitudes est la plus belle chose du film. Il bascule alors dans une romance de la refiliatio­n où l’enfant se choisit un père et tente de se faire aimer de lui avec les seules armes de la séduction sexuelle que lui a transmises sa mère. Gueule d’ange y semble enfin trouver son souffle et son sujet, à savoir la dépression quand on a 8 ans. B. D.

Gueule d’ange de Vanessa Filho, avec Marion Cotillard (Fr., 2018, 1 h 48, Un certain regard)

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