Les Inrockuptibles

se prend un beau coup de blues KEPA Un ex-skateur

D’abord skateur, KEPA a switché et s’est mis à la musique. Il sort un album qui, enregistré avec Timber Timbre, fait plus que du bien.

- Stéphane Deschamps

DÉCOUVERT SUR SCÈNE PENDANT LA DERNIÈRE ÉDITION du festival Les Nuits de l’alligator, Kepa ressemble un peu à un croisement entre Jonathan Richman (période moustache), Beck de son vivant et William Z. Villain.

Cet hurluberlu joue la musique du diable – le blues – mais sans la prétention d’en avoir vu la queue. Avec ses beaux habits, sa guitare en métal, son harmonica, ses chansons qui font taper du pied et ses blagues, il est là uniquement pour s’amuser, et amuser le public, presque en amateur – du côté de ceux qui aiment.

Kepa, 30 ans, n’était pas destiné à devenir musicien. Pendant presque dix ans, le Bayonnais a vécu du skate, avec sponsors, voyages, compètes et tout et tout. “Et puis à 25 ans, je me suis senti anormaleme­nt vieux, j’ai commencé à avoir mal au dos. J’avais une spondylart­hrite, une maladie inflammato­ire, je ne pouvais plus faire de skate du tout.” Gros coup de blues, que Kepa, pas particuliè­rement musicien, va soigner par le blues. “Le blues, tout le monde s’en branle, pas un seul de mes potes n’en écoute. Mais j’ai écouté un album de Bukka White, et le son de sa guitare, ça a été un coup de foudre. J’en ai fait venir une des Etats-Unis, quand elle est arrivée c’était mon plus beau cadeau de Noël depuis mes 10 ans.”

Cette guitare en métal, c’est le dobro, le resonator, l’instrument lampe d’Aladin emblématiq­ue d’un certain son du blues. Ou, pour les béotiens, la guitare de Dire Straits (rires). Kepa a appris à en jouer (tout en se mettant au chant et à l’harmonica) chez sa grand-mère (qui se prénomme Kepa), comme une thérapie (“Quand je joue, je me fais des séances de cinq heures qui me mettent dans un état hypnotique. Je ne joue jamais le matin, sinon ma journée est défoncée”), avec une seule exigence : que personne ne l’entende.

A son premier concert en août 2013, il n’a pris aucun plaisir. Mais il a pris 300 balles. “Mon métier avant, c’était de balancer mon corps sur des rampes d’escalier. C’était cool, mais dangereux. Etre payé pour jouer de la musique, ça m’a fait réfléchir, et j’ai commencé à prendre mon pied.”

Le lendemain de son dernier concert aux Nuits de l’alligator, Kepa s’envole vers Montréal, pour enregistre­r Doctor, Do Something avec Taylor Kirk, de Timber Timbre, qui a craqué sur ses demos. Onze jours plus tard (mix compris), Kepa repart avec un album hanté par les légendes du blues, mais aussi les esprits de Nick Cave ou… Timber Timbre (qui l’accompagne sur les morceaux en groupe). Comme l’avant-dernier album de Fink, un grand disque de blues légèrement déviant, par un mec qui n’a pas la prétention d’être un bluesman, un mec normal qui se fait du bien en jouant de la musique

– et chouette alors, c’est contagieux.

Mais pourquoi Doctor, Do Something pour titrer l’album ? “Ça reflète bien le contexte de l’album. Je viens d’une famille de barjots et je fais le beau là, mais dans la vraie vie je suis super pessimiste et stressé. J’ai découvert une autre personne dans ma tête. Et sur scène, il faut que cette personne vienne, pour l’hypnose.” Le diable en personne ?

Album Doctor, Do Something

(Haïku Records/La Baleine)

Concerts Le 31 mai à Biarritz, le 7 juin à Saint-Denis-de-Pile, le 9 à Montréal, le 20 juillet à Biarritz (festival Biarritz en été)

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