Les Inrockuptibles

“On touche au truc le plus sensible de l’homme”

Grand disque sur le temps, son deuxième album, Contre-temps, sort à la rentrée. D’ici là, l’explorateu­r sensoriel parle amour et tendresse.

- Flavien Berger

Le premier contact avec l’érotisme ?

Minotaure caressant du mufle la main d’une dormeuse de Picasso. Ma prof d’arts plastiques nous l’avait montré en primaire et je me souviens de l’érotisme qui se dégageait du tableau.

C’est important pour toi d’être sexy ?

Ouais, carrément. Je suis un complexé. J’ai un rapport à court terme avec mon image qui est détestable et qui s’améliore à long terme. Sur l’instant, je vois mon côté ingrat et, des années plus tard, je me dis “en fait, ça allait à l’époque”.

Tu penses au sexe quand tu crées ?

Ouais, j’ai fait des chansons érotiques que je n’ai jamais sorties. Ado, j’étais excité de ouf par Slippage de Goldfrapp. (Il sort son téléphone et le met). C’est de 2003, je crois. C’est genre des bruits de jouissance… Mais ma musique est assez chaste, même dans les mots utilisés, il n’y a pas de gros mots, de violence.

C’est tendre…

Oui, tendre : c’est à mon image, je crois. L’amour, c’est la tendresse mais aussi la passion sourde. Pas la passion qui casse les vitres, qui tend à sa destructio­n. Le réconfort est le truc le plus important pour moi, l’amour que tu portes à l’autre, comment c’est intense et flippant.

Ça te fait flipper le futur du sexe ?

J’aime la direction que prennent les choses en terme d’égalité des sexes. L’humanité tend vers un équilibre, une sagesse. Mes potes me disent que je suis trop optimiste, mais je pense que notre humanité est balbutiant­e qu’on saura plus tard comment faire l’amour, avec qui et pourquoi. Le problème, c’est la peur, car la peur crée de la jalousie, ce qui complique énormément de choses.

Tu rêves d’un monde hédoniste ?

Ça part toujours en couilles à un moment car un mec croit qu’il va kiffer faire l’amour à trois mais au bout d’une

semaine il pète un câble parce qu’il voit sa meuf faire l’amour avec d’autres et il tue tout le monde, parce qu’on lui a imposé une utopie. Moi, si je vois la personne que j’aime fondre sous mes yeux dans les bras d’une autre masse amoureuse, c’est un cauchemar.

L’érotisme exige-t-il du sérieux ?

C’est de la pudeur, de la gêne.

J’ai des copains qui en parlent de manière pas sérieuse et ça me sort de ma zone de protection… Il y a une notion de gravité dans le sexe.

Comment traduirais-tu le plaisir charnel en musique ?

Tout ce qui est fréquences basses. C’est les trucs que tu ressens et “ouuuaaaaah”. Tu ne gardes que les fréquences basses du morceau, sans les informatio­ns de chant, de mélodie. Tu ne réfléchis pas quand tu fais l’amour, ça parle à des mécanismes instinctif­s de plaisir. On s’est décapsulé, on est en autohypnos­e, on est ailleurs et dans la situation. Ce n’est pas une réflexion méthodique.

Un sex-symbol ?

Salma Hayek dans Une nuit en enfer, une icône de femme fatale de ouf.

Est-ce que pour toi le sexe est différent de l’amour ?

Le sexe est dans l’amour et l’amour est un territoire énorme. Je suis du genre “le sexe sans amour c’est méga complexe”, parce qu’en fait pour qu’il y ait du désir pour moi il doit y avoir de la projection amoureuse. Je tombe amoureux d’un désir. C’est indissocia­ble.

Que penses-tu du porno ?

Le truc du porno, c’est que ce n’est pas la vraie vie mais ça l’a été le temps du tournage et on touche à des choses physiques. Ça a existé. Je ne suis pas contre le porno. Je pense qu’une société saine peut avoir un bon porno. J’avais lu votre interview de Stoya l’année dernière, c’était trop intéressan­t ce qu’elle racontait. Le porno n’est comparable ni à la littératur­e, ni au cinéma, peut-être au sport. Car ce qui se passe se passe vraiment ! Et on touche au truc le plus sensible de l’homme : le sexe.

Pourquoi si sensible justement ?

C’est l’organe reproducte­ur, qu’il faut protéger. C’est le centre de la spirale, où se rejoignent les projection­s humaines. C’est notre lien vers l’avenir, notre continuité dans le futur. De toi sortira la suite de toi ! Il y a aussi le plaisir personnel, intime. Peut-être que ça changera et qu’un jour on pourra générer des gamins avec nos yeux ! Mais, aujourd’hui, c’est notre lien vers l’éternel, donc c’est “tabou”.

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