Les Inrockuptibles

“Comment on fait pour grandir avec le porno”

Le couple de réalisateu­rs le plus en vue du jeune cinéma français sort, le 15 août, Ultra Rêve, programme de trois courts métrages avec Bertrand Mandico et Yann Gonzalez…

- Propos recueillis par Bruno Deruisseau.

Votre deuxième court métrage, Notre héritage, racontait l’histoire de Lucas qui découvre que son père est Pierre Woodman, réalisateu­r et acteur X français. Pourquoi ce sujet ?

Jonathan – On fait partie d’une génération qui a connu internet à la puberté. On a donc découvert la sexualité avec la barre de recherche Google et plein de sites porno. Ce qui nous intéressai­t n’était pas d’émettre un jugement moral mais plutôt de savoir comment on fait pour grandir avec le porno.

En quoi le rapport au porno est-il genré pour vous ?

Caroline – Une fille qui regarde du porno, c’est moins accepté par la société. C’est le même problème pour la masturbati­on et pour le sexe en général. Le contenu est pensé pour les hommes. Et puis le porno féminin comme celui d’Erika Lust, je n’aime pas du tout. Elle refait finalement les mêmes choses que chez les hommes. Elle essaie de trouver une forme marrante mais qui fait vite racoleur. C’est hyperfroid, hyperdéfin­i, je ne trouve ça ni beau ni touchant. C’est un produit, une recette. Je préfère le porno amateur pour la sincérité qui s’en dégage.

Quelle scène de sexe vous hante ?

Jonathan – Je pense que ce sont les castings de Pierre Woodman. Je les ai

découverts assez tôt et ils ont servi de point de départ pour Notre héritage.

Caroline – Crash de David Cronenberg, un choc érotique à 16 ans.

En quoi le porno peut-il changer notre rapport au sexe d’après vous ?

Caroline – On copie, ça ouvre un champ des possibles. Parce que tout ce qui existe peut exister en version porno, même le hand spinner ! Après, ça peut aussi être très violent dans l’esthétique du corps. Avoir ces images de corps porno “parfaits” peut paradoxale­ment inhiber.

Jonathan – Oui, il se dégage du porno une forme de mensonge du corps, comme par exemple avec l’opération que beaucoup d’actrices font pour que leurs lèvres ne dépassent pas, comme une Barbie. C’est hyperangoi­ssant pour une fille. Et puis le porno est très codifié, ça ferme dans le sens où le risque est de finir par se regarder baiser.

Est-ce qu’il vous arrive de ressentir un manque de porno ?

Jonathan – Je ne pense pas. J’aime bien composer mon propre porno dans ma tête.

Caroline – Moi non plus. L’esthétique du porno est présente partout, détournée par la publicité et sur Instagram. C’est l’esthétique dominante.

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