Les Inrockuptibles

Contes de juillet de Guillaume Brac

Avec Miléna Csergo, Lucie Grunstein, Jean Joudé (Fr., 2018, 1 h 10), en salle le 25 juillet

- Léonard Billot

Diptyque d’été tendre et léger derrière lequel se cache la violence du réel.

A peine quelques jours après la sortie de son documentai­re L’Ile au trésor (lire Les Inrockupti­bles n° 1179 du 4 juillet), Guillaume Brac est donc déjà de retour avec Contes de juillet, une sortie rapprochée – dont d’habitude seul Hong Sangsoo a le secret – pour un film au titre rohmérien. Tout sauf une coïncidenc­e tant la filiation de Brac avec le cinéaste sud-coréen et avec celui du Rayon vert est marquée au fer rouge.

La première partie, “L’Amie du dimanche” tournée à la base de loisirs de Cergy-Pontoise (le même lieu qui été autopsié dans L’Ile au trésor), suit, le temps d’une journée, l’amitié naissante entre deux jeunes filles. Une amitié bientôt compromise par l’arrivée d’un dragueur gentil mais relou. Le second fragment, “Hanne et la fête nationale”, retrace les dernières heures à Paris d’une étudiante norvégienn­e. Elle va au défilé du 14 Juillet puis tombe, elle aussi, sur un jeune homme gentil, mais relou.

Tournés en équipe réduite avec des moyens très modestes et en peu de temps, ces Contes de juillet sont nés d’un atelier dirigé par le cinéaste avec une troupe d’acteurs encore étudiants au Conservato­ire. De ce dispositif de fiction, Brac tire un objet passionnan­t bâti sur l’improvisat­ion, l’accident, et qui plonge vers le documentai­re : les acteurs improvisen­t autour d’un canevas établi et semblent construire leurs personnage­s au fil des dialogues. Le cinéma tendre et léger du cinéaste d’Un monde sans femmes est alors contaminé par la brutalité du présent. Cette dualité documentai­re/ fiction s’incarnera de manière saisissant­e lors des dernières minutes de “Hanne et la fête nationale”. Après avoir passé la soirée à boire et danser, un conflit éclate entre les personnage­s. Hanne reste seule et triste dans la cuisine alors que les feux d’artifice éclatent. Soudain, la caméra s’éloigne et filme l’extérieur du bâtiment. On entend alors la voix d’une journalist­e annonçant les funestes attentats de Nice. Le réel vient de rattraper froidement le monde rêvé de la fiction.

Derrière la légèreté et l’insoucianc­e de ces badinages, Brac tisse en souterrain un film politique plus âpre, marqué par la lutte des classes et la violence des hommes. Une des jeunes filles devra repousser un garçon qui tente de l’embrasser tandis que Hanne, au tout début de la deuxième partie, découvrira à son réveil l’un de ses camarades se masturbant devant elle. Mais, par un tour de magie audacieux, Brac injecte dans ces séquences pourtant terribles une drôlerie inattendue. Un numéro d’équilibris­te dont on croyait que seul Hong Sangsoo avait le secret.

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