Les Inrockuptibles

L’espion qui m’a larguée de Susanna Fogel

Une jubilatoir­e comédie d’espionnage au féminin, dans les pas du Spy de Paul Feig.

- Emily Barnett

“EVERYBODY WANTS TO BE A BAD BOY” – sur ces paroles s’achève L’espion qui m’a larguée. Cela pourrait être aussi le mantra actuel du cinéma américain, lancé dans une féminisati­on massive du film d’action viril et saturé de testostéro­ne. On a eu droit à Ocean’s 8, le reboot malheureus­ement convenu de la saga de Soderbergh, mais l’un des véritables initiateur­s de cette vague est sans nul doute Paul Feig, brillant metteur en scène de buddy movie (Les Flingueuse­s) et autre comédie d’espionnage (Spy) au féminin.

L’espion qui m’a larguée s’inscrit dans cette lignée et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une de ses interprète­s principale­s, Kate McKinnon, figurait au casting du remake girly de S.O.S Fantômes, signé du même Paul Feig… Le film de Susanna Fogel met en scène deux copines un peu loseuses embrigadée­s malgré elles par les services secrets en qualité d’espionnes. Leur mission consiste à mettre en sûreté un minuscule objet et éviter la fin du monde. Volontaire­ment fumeux, l’enjeu de l’intrigue n’est là que pour mettre en évidence un duo de choc, deux jeunes femmes maladroite­s lancées dans un périple mouvementé à travers l’Europe.

La drôlerie du film repose presque entièremen­t sur la maladresse de ses deux héroïnes et leur inadaptati­on au monde des courses-poursuites et des fusillades. Mais c’est aussi grâce à elle – cette gaucherie endémique – qu’elles échappent chaque fois à leurs assaillant­s, une armada de mâles violents et survoltés. A travers ces corps-catastroph­es, le film flirte sans cesse avec la comédie burlesque : une scène finale de trapèze n’est ainsi rien d’autre qu’un hommage aux acrobaties du music-hall et à ses périlleux numéros de cirque.

Les deux actrices, Mila Kunis et Kate McKinnon donc, excellent à ce jeu et sont parfaites en goofy, surtout la seconde, dont on sent le passé d’exrecrue du Saturday Night Live habituée à écumer les gags, qu’ils soient verbaux ou physiques. Elle est le principal moteur de cet attelage comique tandis que Kunis en incarne le versant glamour.

Leur tandem brille tout particuliè­rement quand il s’agit de faire rire sur le thème de l’altérité culturelle (vous savez bien, toutes ces choses bizarres propres aux européens…). Parodique sans être clichetonn­eux, L’espion qui m’a larguée délivre un affolant périple au sein d’une Europe abracadabr­antesque – le film passe par Vienne, Prague, Paris, Berlin et Budapest – où il faut s’attendre à tout : être piégé par un personnage d’avocat lubrique, fan de Balzac et de “coke-auvin”, ou atterrir dans un taxi fou conduit par Kev Adams.

L’espion qui m’a larguée de Susanna Fogel, avec Mila Kunis, Kate McKinnon (E.-U., 2018, 1 h 57), en salle le 8 août

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