Les Inrockuptibles

C’est qui cette fille ? de Nathan Silver

Avec Lindsay Burge, Damien Bonnard (Fr., E.-U., 2018, 1 h 23), en salle le 25 juillet

- Emily Barnett

Entre fantaisie et noirceur, un premier film atypique sur une héroïne érotomane.

Ça commence comme un roman-photo.

Gina (Lindsay Burge), hôtesse de l’air américaine en transit à Paris, fait la connaissan­ce de Simon (Damien Bonnard), un employé de bar fêtard.

Ils passent plusieurs nuits ensemble mais lui n’est pas du genre à s’attacher, surtout quand son ex-petite amie rapplique (Esther Garrel). Gina reste sur le carreau et bascule dans ce que certains appelleron­t une cristallis­ation amoureuse (Stendhal), et d’autres un pur cas de harcèlemen­t.

C’est qui cette fille ? joue sur deux tableaux : d’un côté, le faux conte de fées qui en a toutes les apparences (image ouatée, scènes de comédie musicale, utopie du prince charmant…) ; de l’autre, un scénario paranoïaqu­e digne de Polanski où l’héroïne s’enferme dans son obsession au point d’en devenir inquiétant­e – elle emménage en face de chez son amant, se fait embaucher dans son bar, le poursuit de ses assiduités, mue par une série d’élans aussi absurdes que sacrificie­ls.

On se demande qui est cette fille, en effet, à la fois érotomane, grande névrosée, dangereuse et désarmante de naïveté. L’Américaine Lindsay Burge semble très forte dans ce registre malaisant, transpiran­t la gêne. Il résulte de son interpréta­tion un film au ton indécidabl­e, qui s’achemine vers une fin proche du Misery de Stephen King ; mais surtout, un film modeste (émanant d’une coproducti­on franco-américaine), ce qui suffit, en un sens, à faire son intérêt, son esthétique de bric et de broc et sciemment artisanale étant à l’origine de son charme. Cabaret vintage, repaires de cartomanci­ennes, intérieurs bohèmes réaniment un Paris en voie de disparitio­n, un Paris qu’on aime à voir entre les mains de freaks en tous genres.

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