Les Inrockuptibles

Talents groupés

Considérés en 2015 comme les nouvelles gloires néo-soul, les Californie­ns de THE INTERNET jouent toujours plus collectif avec le bluffant et kaléidosco­pique Hive Mind.

- Valentin Gény

VOICI VENUE L’HEURE TANT REDOUTÉE du difficile deuxième album. Parce qu’il faut bien se l’avouer, même si l’excellent Ego Death, paru en 2015, se place en troisième position dans la discograph­ie de The Internet, il s’impose comme le premier long format d’un duo métamorpho­sé en groupe à part entière. En digne successeur, Hive Mind (conscience collective en français) vient le confirmer.

Formé en 2011 par la chanteuse Syd Tha Kid et le beatmaker Matt Martians, The Internet a vite pris la décision d’engager définitive­ment son backing band (Christophe­r Smith, Patrick Paige et Jameel Bruner), sans oublier sa toute dernière recrue Steve Lacy, petit prodige alors âgé de 17 ans. En 2015, Ego Death et sa soul music 2.0 n’ont pas manqué d’achever cette mutation et l’album sera même nommé l’année suivante aux Grammy Awards, rien que ça.

C’est dire si Hive Mind était donc attendu de pied ferme. Mais pour faire redescendr­e la pression et assouvir tous les désirs de ses musiciens, The Internet a préféré s’accorder des parenthèse­s en solo avant de reprendre du service. Syd a fini par lâcher “Tha Kyd” pour son album Fin, Steve Lacy est parti fricoter avec Kendrick Lamar tout en concoctant une série de demos remarquabl­es, Matt Martians s’est offert des expériment­ations persos avec The Drum Chord Theory, Smith et Paige ont bidouillé dans leur coin tandis que le claviérist­e Jameel Bruner a claqué la porte.

Les mois se sont écoulés et voilà qu’en avril les Californie­ns ont lâché un premier extrait au titre évocateur

Roll (Burbank Funk), mettant à l’honneur la voix langoureus­e de Steve Lacy, une basse entêtante et des accords vaporeux baignés de chorus. Dans la foulée, Come over et La Di Da laissaient présager un album nourri au funk, au jazz et à la soul des 70’s. Mais au lieu de s’enfermer dans un registre confortabl­e, The Internet s’aventure dans des territoire­s inattendus. Alors que les prods se font plus menaçantes sur Bravo et Mood, Next Time/Humble Pie flirte par surprise avec le trip-hop de Massive Attack avant que le brillant Beat Goes on ne tombe sous le charme de la jungle des années 1990.

Si The Internet continue d’explorer les relations amoureuses, son thème de prédilecti­on, il le dilue avec brio à travers une production kaléidosco­pique, qui ne fait que confirmer le talent protéiform­e du groupe. Avec les titres Come over, Stay the Night ou encore Wanna Be, les ballades typées r’n’b, chères à Syd, se font toujours si attachante­s. Mention spéciale pour le sublime It Gets Better (With Time), porté par l’interpréta­tion tout en retenue de la chanteuse.

Hive Mind se révèle comme le disque d’un groupe fusionnel et unique, un album spacieux qui offre à chaque membre assez de place pour briller.

Ils avaient prédit la mort des ego et sont visiblemen­t passés à l’étape supérieure, en toute modestie. Trois ans après leur dernier album, The Internet atteint l’état de pleine conscience collective.

Hive Mind (Columbia)

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