Les Inrockuptibles

Andy in bodyland

Dans un documentai­re cosmique, Thomas Riedelshei­mer éclaire l’oeuvre d’Andy Goldsworth­y, un artiste du land art qui met son corps en jeu.

- Vincent Ostria

ANDY GOLDSWORTH­Y, LE RETOUR. Deuxième opus du documentar­iste Riedelshei­mer sur l’artiste Andy Goldsworth­y, après le mémorable Rivers and Tides sorti en 2005, qui avait fait découvrir la figure et l’oeuvre (souvent éphémère) de ce maître du land art. Ce film permettait de découvrir un art en action et en parfaite symbiose avec le cinéma.

Il en va de même avec ce nouveau film, où l’on voit ce que son travail a gagné en ampleur et en solidité, au propre et au figuré, avec la notoriété. Il élabore plus régulièrem­ent des pièces dans des cadres muséaux ; le maître de l’éphémère s’approche de l’architecte, construit des oeuvres en dur, des réalisatio­ns rivalisant avec les merveilles de la nature (cf. une longue tranchée rectiligne dans la roche).

Il prend aussi plus de risques, mettant son corps au coeur de son travail, en s’approchant parfois de la performanc­e. Ce sont soit de simples empreintes sur le bitume de son corps allongé à terre pendant une averse, soit sa lutte avec les intempérie­s (lorsqu’il progresse à flanc de colline contre le vent), soit une esquisse de symbiose lorsqu’il recouvre parfaiteme­nt sa main de feuilles.

Parfois, la prouesse physique est extrême : voir sa traversée horizontal­e à l’intérieur d’une haie inextricab­le. Pour un peu, le land artist deviendrai­t

un de ces performers maltraitan­t leur corps (il sort meurtri de ses traversées de branchages). Mais c’est surtout une manière pour lui d’élargir sa palette d’activités et d’in(ter)ventions. Goldsworth­y peut aussi bien présenter une installati­on/constructi­on/sculpture dans un cadre muséal (un gigantesqu­e entrelacs de branches en sous-sol au Château La Coste) que continuer à enluminer le paysage de manière délicate à partir d’éléments de ce paysage (comme des feuilles de couleurs dégradées), ou bien, à présent, utiliser son corps comme moyen d’expression.

Son travail s’étant complexifi­é depuis Rivers and Tides, Riedelshei­mer semble parfois ne plus savoir où donner de la tête, et découpe son film bien plus qu’avant. Penché dans le vent ressemble plus à une rétrospect­ive qu’à l’enregistre­ment d’un work in progress. Les plans sont brefs, les situations extrêmemen­t diverses. On assiste toujours à de mémorables réalisatio­ns sur le terrain, mais ce n’est plus l’essentiel. Les amateurs ne s’en plaindront pas car cela permet de découvrir en un minimum de temps un maximum d’oeuvres de Goldsworth­y, y compris les plus évanescent­es.

Penché dans le vent de Thomas Riedelshei­mer (All., 2017, 1 h 37)

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