Les Inrockuptibles

DICK EXPERT

Acteur et réalisateu­r de films X gays, TIM KRUGER a créé son propre studio, TimTales, qui, en cassant tous les codes, rivalise avec les plus grands.

- TEXTE Patrick Thévenin

TOUT LE MONDE VOUS LE DIRA OU DU MOINS TOUS LES GAYS VOUS LE DIRONT : TIM KRUGER A UNE DES PLUS BELLES BITES AU MONDE et il suffit de le suivre, comme des centaines de milliers de fans sur Twitter, Facebook ou Instagram, pour se régaler de commentair­es ou d’odes à sa queue qui mériteraie­nt un jour d’être recueillis dans un ouvrage. Depuis une dizaine d’années et ses débuts devant une caméra pour les studios américains Raging Stallion, cet Allemand de 37 ans à la virilité tranquille et jamais surjouée, au corps pas défiguré par la musculatio­n, à la pilosité rousse soigneusem­ent peignée et aux cuisse en béton est une des figures les plus mythiques du porno, une sorte de mâle alpha débarrassé de ses complexes de domination, de boy next door qu’on rêve d’avoir comme voisin de palier.

A la base, rien ne prédisposa­it cet homme né à Düsseldorf en 1981 à devenir la star du porno qu’il est aujourd’hui. Tim se souvient d’une enfance heureuse, de parents aimants, de nombreux amis, mais aussi d’avoir été un petit garçon très timide, blond comme les blés, qui adorait jouer avec ses Lego, ses poupées Ken et Barbie, et rêvait de devenir cuisinier. “J’ai toujours adoré faire la cuisine, j’ai pensé en faire mon métier longtemps, mais ma grand-mère, dont le frère avait été chef, me l’a toujours déconseill­é : ‘Tu n’auras plus aucune vie, ni amis, ni famille’, me répétait-elle sans cesse.”

Gay depuis qu’il est né (“j’ai toujours été attiré par les garçons d’aussi loin que je m’en souvienne, et ça ne m’a jamais posé le moindre problème existentie­l”), c’est à 19 ans, alors qu’il s’est installé à Berlin, que Tim découvre l’univers du porno.

“Je travaillai­s dans un sex-shop gay donc j’étais plongé dedans du matin au soir. Il y avait souvent des porn-stars qui venaient pour des dédicaces ou de petits shows, et à force de discuter avec eux j’ai commencé à m’intéresser à ce milieu, à choper des contacts et j’ai décidé d’envoyer des mails à différents studios américains. Les réponses ne se sont pas faites attendre : quelques jours plus tard, je partais à San Francisco, où je n’avais jamais mis les pieds, pour mon premier tournage. J’étais dans un état de nervosité extrême – malgré les apparences, je suis quelqu’un d’excessivem­ent timide –, et puis sur le plateau tout le monde a été adorable, ma scène s’est très bien passée, j’ai commencé à recevoir de plus en plus de propositio­ns de tournage et, pendant quelques années, j’ai passé ma vie à faire l’aller-retour entre les Etats-Unis et l’Allemagne, jusqu’à que je décide en 2009 de monter ma propre compagnie, TimTales.”

Si dans les années 2000 des studios européens comme Citébeur à Paris, Eurocreme à Londres ou Cazzo Film à Berlin ont complèteme­nt cassé les codes du porno gay, infligeant un sérieux coup de vieux aux studios américains qui dominaient le monde, ouvrant la porte à des modèles différents, moins musclés, moins bronzés, moins épilés, plus mélangés racialemen­t, et d’une certaine manière plus naturels et décomplexé­s dans leur manière d’envisager le cul, Tim a, en créant avec son mari Grobes Geraet son propre studio, bousculé totalement les codes du porno des années 2010. Un univers déboussolé par l’arrivée d’internet, la généralisa­tion de la baise sans capote, l’arrivée de la PrEP, la disparitio­n du format DVD et les nouvelles perspectiv­es offertes par les réseaux sociaux. “Créer mon propre business était une sorte d’aboutissem­ent logique de ma démarche, explique Tim. Ce n’est pas que je n’aimais pas tourner pour les Américains qui m’engageaien­t, mais disons que beaucoup de choses dans leur manière d’envisager le cul ne m’excitaient pas. Je n’aime pas les mises en scène, les mecs qui parlent trop, qu’on rajoute de la musique, j’ai envie d’entendre le vrai bruit de la baise. Pour moi, le porno, ça doit être du cul et seulement du cul, juste la joie du sexe pour le sexe.”

Ajoutons aussi que Tim n’a pas son pareil pour recruter les mecs les plus sexy du moment, mélangeant vieux et jeunes, musclés et bears, passifs comme actifs, noirs, beurs, métis ou blancs, comme si ces dernières années les studios TimTales canalisaie­nt les porno-stars les plus bluffantes avec le package gagnant : gueule, bite et cul à se damner ! Mais surtout, depuis que Tim a déménagé il y a cinq ans à Barcelone, fatigué du froid et de la grisaille berlinoise où il a passé plus de quinze ans, c’est comme si son porno était devenu plus lumineux et solaire, encore plus diversifié, tout en gardant ce qui a fait son succès, c’est-à-dire une baise sans chichis, aux rôles parfois trop codifiés selon ses détracteur­s, mais où on ne fait pas semblant. Un porno brut de brut concentré sur le corps des acteurs, sur la goutte de sueur qui perle comme l’étincelle d’un râle, sans accessoire­s ou dress-code et qui ne cherche jamais à humilier les gens, mettant sur le même plan power-bottoms comme marteaux-piqueurs humains.

Un succès que les studios américains observent à la loupe, cherchant des modèles plus bruts et typés, pendant que Tim, lorsqu’il ne gère pas son studio à coups de journées de 24 heures, profite de la vie, cuisine et voyage : “Je pourrais vous donner les adresses des plus beaux hôtels autour du monde, rigole-t-il. Et quitte à décevoir beaucoup de fans, quand je ne travaille pas, j’adore rester chez moi seul, ne rien faire et surtout me couper de mes emails et des réseaux sociaux.” On l’avait compris, ce mec est parfait, vraiment trop parfait !

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