Les Inrockuptibles

Elvis Presley

Where No One Stands Alone Legacy/Sony Music

- Christian Larrède

Une relecture du répertoire gospel du King. Une réussite en dépit du caractère un peu douteux de l’entreprise.

L’entreprise peut sembler surréalist­e : conserver les parties vocales d’Elvis Presley (empruntées à ce répertoire gospel qui permit au chanteur de glaner les trois Grammys de sa carrière durant les sixties), et les apparier à de nouvelles orchestrat­ions et instrument­ations. Exit donc les incommensu­rables pointures des sessions primitives (les guitariste­s Scotty Moore et James Burton, l’harmonicis­te Charlie McCoy), et place à Darlene Love (elle participa en 1968 au TV Special du come-back), aux choristes Cissy Houston (The Sweet Inspiratio­ns) ou The Imperials, deux ensembles qui accompagnè­rent, sur scène ou en studio, le King dans ses premières fièvres liturgique­s. On est même gratifiés d’un duo virtuel sur la chansontit­re, grâce à la participat­ion de Lisa Marie Presley, coproductr­ice de l’aventure. Le répertoire est emprunté aux incunables du genre, mais mobilise également quelques partitions originales, comme le Saved de Leiber et Stoller. Naturellem­ent, les nuances sont ténues : tel orgue initial, trop ouvertemen­t zinzin d’église, disparaît

au profit d’un piano acoustique. Sur

I’ve Got Confidence, les licks de guitare innervés sont remplacés par une section de cuivres massive, la batterie se fait plus claquante, ailleurs les roulements de caisse claire, vaguement surannés, s’évaporent. Et les mignardise­s bluesy de la version originale d’Amazing Grace sont laissées au vestiaire, même si les choeurs féminins planent toujours aussi haut dans les cieux. L’ensemble reste de haute tenue, et les quatorze chansons continuell­ement agréables à écouter. Mais on aura compris que, par-delà le cynisme et l’irrespect du processus, face à toute démarche artistique, l’intérêt de cet album est ailleurs, premier acte d’un mouvement sans fin qui verra un répertoire forcément limité – tout ou presque d’Elvis a été aujourd’hui édité – se renouveler ad nauseam au fil des années, grâce à des arrangemen­ts au goût du jour, ou supposés tels. On écrit ici un chapitre inédit du Portrait de Dorian Gray, et Presley fait un pas supplément­aire vers l’immortalit­é. Sans doute le privilège des rois.

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