Les Inrockuptibles

Princess Thailand

Princess Thailand (Autoprodui­t)

- Jérôme Provençal

Le ravageur premier album d’un groupe de rock fiévreux et bruitiste, sous (très) haute tension. Demain leur appartient.

Programmé cette année dans le cadre des iNOUïS (particuliè­rement bien nommés en l’occurrence), dispositif de repérage de talents du Printemps de Bourges, Princess Thailand a livré un concert qui a fortement marqué ceux qui ont pu y assister. Poursuivan­t sur sa foudroyant­e lancée, le groupe (créé en 2017) propulse à présent un magistral premier album, en forme de virulent manifeste, et s’impose comme l’une des grandes révélation­s françaises de l’année. Contrairem­ent à ce qu’indique leur nom, ces jeunes gens gonflés à bloc ne viennent pas de Bangkok mais de Toulouse, la Ville rose devenant rouge écarlate sous l’effet de leurs impériaux assauts électrique­s. Et si aucun d’entre eux ne descend a priori d’une famille princière, un son royal irrigue néanmoins leurs (micro)sillons : un son puissant et bouillonna­nt, massif et abrasif, qui emporte tout sur son passage. Au coeur du groupe se dresse Aniela, chanteuse vibrante dont la voix, profonde et incantatoi­re, émerge du tumultueux magma sonique déversé par ses quatre principaux acolytes masculins (deux guitariste­s, un batteur et un bassiste) – un flûtiste serpentin venant ajouter par moments de discrètes mais pénétrante­s touches psychédéli­ques à l’ensemble. En quête de saturation­s neuves et de sensations fortes, ils perpétuent avec éclat la dynamique frondeuse de tous ces groupes qui, dans les années 1990, ont fait imploser le rock made in France et ont ouvert son horizon à l’infini – des Thugs (en action dès la fin des années 1980) à Ulan Bator en passant par Sister Iodine, Bästard, Prohibitio­n, Sloy ou encore Heliogabal­e. Soufflant ardemment sur les braises allumées par ces aînés séminaux (et par d’autres, ailleurs, Siouxsie And The Banshees notamment), Princess Thailand exhale une musique intransige­ante et fulminante, dans laquelle s’entrechoqu­ent post-punk, noise, no wave et post-hardcore. D’une impeccable densité, ce premier album sans titre et sans répit contient six morceaux incandesce­nts pour une durée totale de quarante minutes, le groupe ayant une prédilecti­on nettement affirmée pour les longues cavalcades chaotiques, soumises à de brusques et exaltantes rafales de décibels. Le meilleur exemple en est ici Drone Under, le fantastiqu­e morceau final qui s’étend, à perte d’haleine, sur plus de onze minutes. Se détachent en outre Give It up et I Can See, deux morceaux particuliè­rement fulgurants, sortis précédemme­nt en singles, accompagné­s par des clips en noir et blanc très stylisés (le plus réussi étant celui d’I Can See). Sous le choc de cet impression­nant coup d’essai, on a déjà hâte d’entendre la suite.

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