Les Inrockuptibles

Des saisons en horreur

Le genre horrifique n’en finit pas de se déployer dans l’industrie de la série. Dans un environnem­ent très concurrent­iel, The Haunting of Hill House mène le bal.

- Alexandre Büyükodaba­s

LE BALLET DES SÉRIES D’HORREUR automnales a été ouvert par la huitième saison d’American Horror Story, dont on pouvait craindre que l’Apocalypse programmée en vase clos ne dissimule un retrait essoufflé du monde. L’inventivit­é queer et baroque et la gourmandis­e outrancièr­e de Ryan Murphy et de Brad Falchuk permettent au contraire de ressasser les motifs et obsessions de la série jusqu’au vertige, et d’invoquer peu à peu le réel au sein du bunker dans lequel sont reclus les derniers survivants de l’humanité.

Si un même climat d’effondreme­nt travaille The Purge, il ne permet pas à la série de camoufler son opportunis­me mercantile et d’articuler une réflexion politique au-delà du concept choc de la franchise American Nightmare, à laquelle elle est rattachée. Le sous-texte politique a également déserté les charniers de The Walking Dead, qui ne parvient pas à retrouver son souffle en saison 9, et dont les personnage­s interchang­eables se confondent de plus en plus avec les zombies qui zonent en arrière plan. Les nouvelles sont toutes aussi décevantes sur le front des anthologie­s : sur Netflix, Into the Dark peine à laisser émerger d’autres traits saillants que ses inutiles longueurs, quand la saison 2 de Lore, sur Amazon, perd toute singularit­é en abandonnan­t l’ironie des podcasts d’origine.

Loin de l’esprit de sérieux de ces mastodonte­s rouillés, c’est sur le versant teen du genre qu’ont éclos les plaisirs coupables Light as a Feather et Les Nouvelles Aventures de Sabrina. Diffusée sur Netflix, la seconde a rebooté la sorcière de sitcom des années 2000 en héroïne féministe post-Me-Too, quand la première, produite par Hulu, opère un croisement habile entre le soap lycéen et la malédictio­n façon Destinatio­n finale.

La recherche de la nouveauté empruntait curieuseme­nt le chemin du retour à la maison, plus ou moins hantée. Dans Channel Zero, anthologie élaborant ses histoires à partir de creepypast­as – des légendes urbaines nées sur internet –, c’est une porte apparue dans la cave qui met en péril le mariage – et la vie – des propriétai­res. Inégalemen­t interprété­e et parfois fragile, sa quatrième saison se révèle toutefois fascinante par sa façon de déjouer constammen­t les attentes liées au genre.

De facture plus classique, l’ambitieuse The Haunting of Hill House, créée par Mike Flanagan et diffusée sur Netflix, conjugue le train fantôme horrifique au drame familial en faisant des mauvais esprits les agents d’un deuil impossible. Adaptation libre du célèbre roman éponyme de Shirley Jackson, elle s’attache à une famille dévastée par le décès de la mère dans des circonstan­ces floues lors de leur séjour dans la plus grande maison hantée des Etats-Unis. Malgré quelques tours de force superflus et une fin décevante, la série entreprend, avec une grande attention aux détails, de fissurer le foyer domestique, et mène avec applicatio­n un genre extrêmemen­t codifié sur un versant plus psychologi­que. La maison hantée s’affirme comme instrument d’amplificat­ion des traumas intimes, et le récit d’horreur se double d’une histoire de guérison.

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The Haunting of Hill House

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