Les Inrockuptibles

L’art à domicile

Remarquée à la Fiac, la galerie à la programmat­ion ambitieuse BONNY POON importe à Paris le concept des cimaises en appartemen­t.

- Ingrid Luquet-Gad

QUAND À PARIS, ON AIME QUE LES CHOSES SOIENT BIEN RANGÉES, à Berlin ou à Los Angeles, le format de la galerie en appart ne surprend plus personne. Ce sont les project-space, c’est-à-dire les lieux d’exposition non-commerciau­x, qui sont situés dans des espaces domestique­s. Les galeries commercial­es, elles, ont pignon sur rue et veilleront à bien gommer toute trace de présence humaine derrière le combo classique murs blancs/néons/MacBook. “Les galeries d’art contempora­in se ressemblen­t plus que les McDo”, constatait ainsi le duo d’artistes Elmgreen & Dragset actuelleme­nt exposé à la galerie Perrotin à Paris, dont les oeuvres réaffirmen­t la place du corps au sein de ces espaces normalisés. Mi-octobre à la Fiac, c’est une toute jeune galerie parisienne, relativeme­nt sous le radar, qui s’arrogeait les honneurs – et une photo dans le NewYork Times – Bonny Poon. Depuis un an tout pile, elle s’est installée dans la tour Rubis place d’Italie, l’un des quatre immeubles de trente-et-un étages érigés au milieu des années 1970. Au dixième et quelques, une grande pièce blanche de l’appartemen­t accueille des exposition­s à un rythme d e galerie classique. Hormis le fait de pouvoir se vanter d’avoir la plus belle vue de toutes, le fonctionne­ment ne diffère pas des autres galeries parisienne­s.

Que la programmat­ion y soit plus aventureus­e ne tient pas au contexte spatial mais à l’énergie des deux directeurs. Bonnie Poon, artiste qui a donné son nom à la galerie et qui s’y auto-représente, a longtemps été basée à Toronto et est passée par la Städelschu­le de Francfort. Nathaniel Monjaret, lui, codirigeai­t auparavant l’espace Marbriers à Genève.

Pour leur première participat­ion à la Fiac, ils ont décidé de frapper fort et de faire le coup de la voiture taguée garée dans les allées du secteur Lafayette, la partie dévolue aux jeunes galeries à l’étage du Grand Palais. Comme un corps parasite, la carcasse abritait une pile de T-shirts cheap, un geste signé du collectif inconnu au bataillon FPBVPC et du graffeur Jim Joe. A la galerie, ils exposent actuelleme­nt une nouvelle série de peintures de la jeune artiste Marie Karlberg, The Brutal Truth : des empreintes de fessier, mais qu’on n’y lise surtout rien de domestique ou d’intime. Il s’agit d’une critique acerbe de la peinture abstraite, de son vocabulair­e creux et de la spéculatio­n effrénée qu’elle génère.

The Brutal Truth de Marie Karlberg, jusqu’au 30 novembre à la galerie Bonny Poon, Paris XIIIe

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France