Les Inrockuptibles

O solo mio

- François Moreau

Pedrum Siadatian s’échappe du groupe Allah-Las, le temps de prendre l’air et de sortir l’album PAINT composé de diamants bruts rendus intemporel­s par Frank Matson.

“JE VEUX JUSTE CLARIFIER LES CHOSES : je fais toujours partie d’Allah-Las”, prévient Pedrum Siadatian. Se sentant le besoin d’enfoncer le clou, le chanteur et guitariste du groupe rajoute que toute la clique travaille même actuelleme­nt sur un nouvel album qui devrait voir le jour courant 2019, peut-être plus tard. Pour ceux qui ne situeraien­t pas Pedrum, il s’agit du grand brun à la gueule de lad façon Liam Gallagher circa 2002, qui joue les frontmen aux côtés de Miles Michaud au sein du combo californie­n.

Toujours signé sur le cool label new-yorkais Mexican Summer – qui fêtait ses dix ans d’activité ce mois-ci avec une journée de concerts réunissant les plus gros noms du catalogue (Tonstartss­bandht, Ariel Pink, ce sale gosse de Michael Collins aka Drugdealer, Jefre Cantu-Ledesma et bien sûr Allah-Las) –, Pedrum s’offre une échappée solo sous l’intrigant sobriquet de Paint et livre à la légendaire pop made in West Coast un album que le label résume en ces termes : un premier disque solo, avec les premiers enregistre­ments solos de ses premières chansons solos.

Un side project donc, qu’il qualifie de nécessité : “J’avais besoin d’exprimer quelque chose de ma personnali­té en dehors du contexte du groupe”, confie-t-il. Une manière de prendre l’air et de s’autoriser des choses que les instances inhérentes à la longévité d’un groupe ne permettent pas toujours – comme nous le confiait aussi, récemment, Matty, le claviérist­e du jazz-band canadien BadBadNotG­ood.

Enregistré­s au cours de l’hiver 2016, les douze titres qui composent Paint sonnent comme de vieilles sessions déterrées pour les besoins d’une playlist sur Reverberat­ion, la radio en ligne animée par Pedrum et ses potes, enrichie chaque semaine de pépites sixties venues des quatre coins du globe et difficilem­ent trouvables ailleurs : “J’ai enregistré ces chansons chez mon pote Frank, qui produit également l’album. On n’a pas cherché à sonner sixties, ni à rendre ses enregistre­ments vintage.”

Frank, c’est Frank Matson. Authentiqu­e érudit des musiques psychédéli­ques, ancien compagnon de route de Jacco Gardner (lire p. 48), avec qui il tournera pendant trois ans, et producteur émérite officiant régulièrem­ent pour les artistes catalogués sur le label de Chicago Trouble In Mind, Matson s’est saisi des diamants bruts figés sur les démos de Pedrum, pour leur donner ce grain intemporel : “Quand je travaille sur ma musique, je ne cherche pas tellement à écouter des nouveautés.

Je ne dis pas : j’ai arrêté ça. Je préfère me passer des vieux morceaux avec lesquels je me sens familier”, poursuit Pedrum.

On a souvent reproché à Allah-Las de n’être qu’une sorte d’entité revivalist­e, le regard fixé droit sur le rétroviseu­r de la pop sixties californie­nne. Tout est là pour l’attester : les images couleurs pastel, les photos vintage, le cliché de ces musiciens vivant sur les collines de Laurel Canyon (Pedrum y habite), une bande de potes ayant travaillé dans les rayons de l’immense records store de Sunset Boulevard, Amoeba Music. Et pourtant, on aurait tort de le penser. Plus qu’un simple clin d’oeil aux Byrds, Siadatian et son entourage s’inscrivent dans cette filiation pour continuer à faire vivre cette culture du songwritin­g, contribuan­t ainsi à noircir les pages du grand répertoire américain de la chanson psychédéli­que. Aussi modestes soient les prétention­s de ce disque, qui se dévoile plus complexe et mystérieux à chaque écoute.

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Album Paint (Mexican Summer/Also)Concert Le 7 décembre, Pop-up du Label, Paris XIIe

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