Les Inrockuptibles

Le sexe prodigieux

- Nelly Kaprièlian

#MeToo a secoué le monde des lettres aussi, surtout chez nos amis anglo-saxons, qui s’arrachent les cheveux avec des questions sur le genre, du genre : un écrivain masculin a-t-il le droit de parler à la place des femmes ? Peut-il bien écrire des personnage­s féminins ? Seule une femme peut narrer une expérience féminine ?

A 15 ans, très franchemen­t, je ne me posais pas toutes ces questions : quand je lisais Don Quichotte, j’étais Quichotte et Sancho Panza à la fois, même s’il s’agissait de personnage­s masculins, créés par un homme. Bref, d’un côté l’on avance qu’un homme ne pourrait pas écrire sur des femmes, de l’autre on encense Elena Ferrante, alors qu’il se pourrait bien que, derrière ce pseudo, se cache... un homme, l’écrivain Domenico Starnone ! Dans son nouveau livre, Frantumagl­ia (Gallimard), à paraître début janvier 2019, il paraît que Ferrante dévoile des choses de son intimité – son sexe ? Soyons francs, si celle qu’on a louée pour son entreprise littéraire féministe (écrire sur une amitié féminine) était, en fait, un homme, est-ce que cela changerait notre lecture ? Dès que les deux protagonis­tes se crêpent le chignon, se jalousent, se piquent leurs amants, n’aurait-on pas crié au male gaze, à la misogynie ? Est-ce pour ça que “Ferrante” se cache ? Le mot de la fin, c’est peut-être “hermaphrod­ite”, ce qu’est psychiquem­ent un écrivain quand il écrit. Aussi gender fluide que le Orlando de Virginia Woolf.

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