Les Inrockuptibles

Dernier envol

Fasciné par les aviateurs de l’Aérospatia­le SIMON ROUSSIN renouvelle le récit d’aventure avec une BD aux teintes lumineuses.

- Vincent Brunner

IL Y A DEUX ANS, AFIN D’ASSOUVIR SA PASSION POUR L’AÉROPOSTAL­E née après la lecture de Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry, Simon Roussin étrennait, avec Prisonnier des glaces, une collection baptisée “Les ailes brisées”. Cet intitulé montre combien son regard sur les exploits de ces aviateurs téméraires (Saint-Exupéry, Jean Mermoz et d’autres moins connus) est empreint d’admiration comme de mélancolie.

L’action de Xibalba, qui s’inscrit dans cette collection, débute au Venezuela en 1933, au moment où la compagnie d’aviation postale, créée en 1927, connaît – déjà – ses derniers instants. Deux pilotes, Eddie et André, n’en ont pas conscience. Ils font la tournée des bars, s’oublient dans la musique, l’alcool, l’amour. L’allégresse dissimule cependant des drames, désillusio­ns et secrets comme le symbolise le visage défiguré d’André. Sans plus rien à perdre, celui-ci offre ses services à une ethnologue et deux jumeaux peu diserts. Le vol tourne mal, l’avion s’écrase dans la jungle mexicaine.

Grand amateurs des films d’Howard Hawks, Simon Roussin investit ici le récit d’aventure classique avec amitié virile et romance avant, petit à petit, de s’en détourner pour raconter une histoire moins stéréotypé­e et bien plus complexe. D’abord effacés, les personnage­s féminins telles que Paloma, la petite amie d’Eddie deviennent ainsi primordiau­x. Cet habile jeu avec les clichés se retrouve dans son graphisme élégant et les teintes orangées de sa bichromie.

Héritier d’une ligne claire – celle d’Yves Chaland plus que celle d’Hergé – qu’il cherche à renouveler, il souligne les silhouette­s de son trait épuré. En s’accordant des pauses sous forme d’imposantes doubles pages fouillées, il rend immersive la plongée dans une jungle qui cache aussi en son sein des mystères et même des fantômes. Alors que Prisonnier des glaces se révélait dense et parfois bavard, Xibalba, à la pagination au long cours, manie le silence, prend son temps pour développer sentiments et intrigue.

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Xibalba (éditions 2024), 256 p., 29 €

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