Les Inrockuptibles

Voyage en flows troubles

Laissant à d’autres les rimes canailles, GEORGIO explore ses angoisses intimes sur XX5, un troisième album qui mêle refrains fédérateur­s et désenchant­ement.

- Maxime Delcourt

AVEC SA BELLE GUEULE, SON FLOW CHANTONNAN­T, SON AIR GENTILLET et ses textes troublés, Georgio a, a priori, toutes les caractéris­tiques du “babtou fragile”, aussi étrange et un tantinet raciste soit cette qualificat­ion. Il serait pourtant injuste, au nom de stéréotype­s tenaces, de se passer des envolées lyriques de XX5, de son intelligen­ce mélodique, de ces chansons courageuse­s, dans leur sincérité et leurs refrains fédérateur­s, que sont déjà Miroir ou Monnaie. Car, avec ce troisième album, Georgio s’offre une échappée belle, loin de cette interpréta­tion linéaire qui plombait certaines intentions par le passé – un reproche que l’on pourrait aussi faire à Hugo TSR, probableme­nt l’une de ses grandes inspiratio­ns.

Cet appel d’air, on le doit notamment à la présence de producteur­s venus d’univers disparates : Myd, Woodkid, VM The Don, Vladimir Cauchemar, Medeline, Eazy Dew ou Sam Tiba, tous s’imposent ici comme de véritables alter ego au maestro, lui permettant de varier les tons et les approches. Car, hormis une certaine mélancolie et une écriture aussi fine que de la “haute couture” (du nom d’un des morceaux phares de XX5), il y a en effet peu de liens entre Akira et Seul, entre ces mélodies quasi dansantes et ces réflexions intimes que l’on couche sur papier pour éviter qu’elles ne soient trop pesantes.

Parfois, ces intentions tombent malheureus­ement à plat. À quelques reprises, on se dit même que XX5 aurait mérité d’être un peu plus concis (dix-huit titres, tout de même) ; J’en sais rien ou Prisonnier ne traversero­nt pas les époques et entretienn­ent finalement les doutes autrefois émis au sujet de Georgio – ce ton moralisate­ur et ces refrains sans surprise cadenassés dans un style convenu.

Pour le reste, on ne peut que saluer la performanc­e d’un MC qui, entre ses velléités pop, adopte par instants un ton inédit et dédaigne le confort des habitudes pour se frotter à deux poids lourds du rap francophon­e : Vald et Isha. Le premier pour un duo, Barbara, qui aurait pu figurer sur Xeu ou Agartha (premier et deuxième album de Vald – ndlr), tant le rappeur d’Aubervilli­ers reste fidèle à ses délires salaces (“Les pétasses qui me disaient nan, aujourd’hui chantent ah ouais ouais ouais/Sur Insta j’choisis mes viandes, un peu comme au Subway ouais ouais”). Le second le temps d’un titre, Dans mon élément, qui, non seulement contient probableme­nt le meilleur couplet d’Isha en 2018, mais témoigne d’une alchimie étonnante entre les deux rappeurs.

Une alchimie que l’on retrouve quelques morceaux plus loin aux côtés de Victor Solf (ex-moitié de Her) sur

31 janvier. Là encore, la plume se fait poétique, romantique parfois, désenchant­ée souvent. “J’ai peur de l’avenir, des plans sur la comète”, rappe Georgio sans user de clichés éculés ou de schémas sonores perpétuell­ement sombres déjà développés sur Bleu noir ou A l’abri.

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XX5 (Panenka Music)

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