Les Inrockuptibles

Red Felk Moon Bisou

Dix-huit ans après Felk, Red donne une suite à son grand classique, avec un album tout aussi racé et sublime, qui devrait laisser des traces.

- Pierre Siankowski

ON SE SOUVIENDRA TOUJOURS DE NOTRE PREMIÈRE ÉCOUTE DE “FELK” en 2000, le génial premier album d’Olivier Lambin aka Red : c’est un “ta gueule” monumental qui ouvrait ce disque aussi fragile que tendu, sorte de blues postapocal­yptique empruntant autant à Mississipp­i John Hurt qu’à Gastr Del Sol (était-ce un hasard, Rectangle, le label fondé par Quentin Rollet et Noël Akchoté, accueillai­t aussi les expériment­ations de David Grubbs, pilier de... Gastr Del Sol).

Felk avait marqué nos esprits par la crudité et la justesse de son propos : ces chansons, c’est comme si Lambin nous les jouait en direct à chaque fois, aussi bouleversé que nous. Dix-huit ans plus tard, c’est toujours en compagnie de Quentin Rollet que Red revient en force avec Felk Moon, hommage caché à Neil Young ( Harvest puis Harvest Moon), sequel de son premier essai sorti cette fois sur le label Bisou, fondé par Rollet lui-même et sa complice Isabelle Magnon.

Dès les premiers morceaux du disque, on entend les voix d’enfants (ceux de Lambin) qui traversaie­nt joyeusemen­t Felk.

Les enfants ont grandi, mais l’atmosphère reste la même, sensible à souhait, avec une touche

de soul froide qui viendrait rappeler un Tom Waits sous MDMA, ou les heures les plus aventureus­es d’un Isaac Hayes châtré et cryogénisé en douce. On aime la noirceur de Old Friend, l’honnêteté et la puissance de

The Day David Bowie Died I Was Listening David Freel, ou encore la douceur très cohénienne de

I’m Fucking Small (on se souvient du disque de reprises de Songs from a Room que Red avait enregistré en hommage au grand Leonard).

On retrouve sur cet album ce que l’on avait toujours aimé chez Red : cette sincérité fulgurante qui le pose à chaque titre nu devant nous, avec ses fulgurance­s et ses obsessions. C’est beau, c’est brut, c’est une musique qui prend sa source de l’autre côté de l’Atlantique et qui évoque les troubadour­s barrés des nineties que Lambin adore, naturellem­ent : Will Oldham ou Bill Callahan, entre autres.

La lune est basse, mais le bleep et le blues se rencontren­t sous les meilleurs auspices. Felk Moon est un grand disque stabilisé, une ode à la nonchalanc­e et au voyage intérieur, qui confirme à quel point Red fut le pionnier d’un folk futuriste et décomplexé, inventé à la maison et joué au plus près du coeur.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France