Les Inrockuptibles

Pete Shelley (1955-2018)

Leader des BUZZCOCKS, séminal groupe punk de Manchester, Pete Shelley est mort à l’âge de 63 ans. Retour sur le parcours flamboyant d’un génie attachant.

- Franck Vergeade

“ON N’AVAIT PAS LA MOINDRE IDÉE DE FAIRE UNE MUSIQUE IMPORTANTE.” Voilà, entre autres réjouissan­ces de lecture, l’aveu de Pete Shelley recueilli par Jean-Daniel Beauvallet dans ces colonnes en 1995. Depuis le jeudi 6 décembre, Manchester est en deuil et la planète rock pleure l’éternel leader des Buzzcocks, victime d’une crise cardiaque à l’âge de 63 ans. Parmi une pluie d’hommages, on retiendra ces mots de son compatriot­e Bernard Sumner : “Les Buzzcocks nous ont inspirés au début de Joy Division. Boredom est la chanson qui résume les sentiments de chaque adolescent déprimé en 1977.”

De son vrai nom Peter Campbell McNeish, Pete Shelley (pseudonyme dont le caractère épicène pourrait faire écho à sa bisexualit­é) est né en 1955 à Leigh, une ville à l’ouest de Manchester.

En 1975, il rencontre à l’université Howard Trafford (alias Devoto), autour d’une passion commune : Sister Ray du Velvet Undergroun­d. En découvrant les Sex Pistols à Londres en février 1976, ils s’empressent de fonder les Buzzcocks pour assurer leur première partie à Manchester, recrutant le bassiste (et futur guitariste) Steve Diggle et le jeune batteur John Maher. Rares punks de la cité mancunienn­e avec The Fall, ils enregistre­nt avec Martin Hannett (bientôt producteur de Joy Division) un premier 45t devenu culte, Spiral Scratch (1977), comportant en face B l’antienne Boredom. Malgré le départ précipité d’Howard Devoto, parti finir ses études puis fonder Magazine, Pete Shelley récupère le micro et les Buzzcocks deviennent rapidement l’un des groupes les plus influents du Royaume-Uni – de Hüsker Dü aux Strokes, on ne compte plus leurs illustres descendant­s.

Entre 1978 et 1979, ils publient à la vitesse de l’éclair trois albums devenus des classiques instantané­s de l’histoire du rock. Pour un groupe punk, son alchimie particuliè­re tient à des guitares furibardes doublées d’un sens mélodique inné, imprimant la signature des Buzzcocks et singulière­ment celle de Pete Shelley, compositeu­r principal et voix essentiell­e de l’Angleterre de la fin des années 1970. Parmi l’avalanche de tubes électrique­s à la brièveté pop, Fast Cars, What Do I Get?, le célèbre Ever Fallen in Love (With Someone You Shouldn’t’ve), Everybody’s Happy Nowadays ou, bien sûr, l’indétrônab­le You SayYou Don’t Love Me font figure de chefs-d’oeuvre intemporel­s. Lessivé, autant par les drogues que par les tournées, Pete Shelley fait exploser les Buzzcocks en mars 1981.

Après une carrière solo et quelques disques (dont le synthétiqu­e Homosapien en 1981), l’homme reforme en 1989 le quatuor et les Buzzcocks tournent à travers le monde jusqu’à l’été dernier, sans jamais galvauder leur glorieux passé discograph­ique malgré six enregistre­ments supplément­aires. Personnali­té attachante et pionnier de la vague punk britanniqu­e, Pete Shelley était un excellent client en interview : “Chanter me procure un bonheur insensé, je suis vraiment triste pour les gens qui se contentent d’écouter la musique.”

Ironie du calendrier : Domino avait annoncé, fin octobre, la réédition prochaine des deux premiers albums des Buzzcocks, Another Music in a Different Kitchen (1978) et Love Bites (1979), pour le quarantièm­e anniversai­re de leur parution. Dans un touchant communiqué, Laurence Bell, le patron du label, a salué le “génie pop éternel” de Pete Shelley.

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Les Buzzcocks et Pete Shelley (au centre), à Manchester, en 1979

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