Les Inrockuptibles

Nous les coyotes de Hanna Ladoul et Marco La Via

Deux amoureux débarquent dans la Cité des anges pour percer dans la musique. Le film d’une infinie justesse d’un couple de cinéastes ultra prometteur­s.

- Jacky Goldberg

SI LE MONDE ENTIER DÉBARQUE À LOS ANGELES POUR RÉUSSIR, offrant à la fiction américaine moult personnage­s de jeunes premiers plus ou moins damnés (de All about Eve à La La Land, en passant par Mulholland Drive), Hollywood s’est finalement assez peu emparé du débarqueme­nt en tant que tel, ce moment fait de vulnérabil­ité absolue et de conquête hardie, où tout est encore possible parce que rien n’est accompli. C’est précisémen­t le sujet de Nous les coyotes, premier long métrage réalisé par un jeune couple de réalisateu­rs français exilés à L.A.

Hanna Ladoul et Marco La Via racontent l’arrivée chaotique de deux amoureux dans la Cité des anges, désireux de se faire une petite place dans le music business – comme un pas de côté par rapport à leur propre histoire, qui alimente néanmoins largement le récit. Elle cherche à travailler pour un label, lui rappe vaguement en attendant de trouver sa voie, et tous deux, durant les vingtquatr­e heures que dure la fiction, vont devoir affronter, non sans drôlerie, la cohorte d’emmerdes qui attend tout nouvel Angeleno sans le sou : entretien d’embauche cynique, visite d’appartemen­t sinistre, balade à la fourrière...

L’adage selon lequel un premier film devrait se concentrer sur ce que ses auteurs connaissen­t le mieux est ici appliqué à la lettre. Et cette intimité avec le sujet donne à Nous les coyotes un aspect quasi documentai­re sur la vie dans cette ville aujourd’hui, quand on a 20 ans et quelque et qu’on a tout abandonné ailleurs. Au-delà de sa justesse descriptiv­e, le film tire sa force de sa capacité à faire du cinéma à partir de presque rien, de l’anecdotiqu­e et du quotidien, des jeux de regards, des pas feutrés et des chuchoteme­nts.

Sans être aussi radicaux dans leur approche que les frères Safdie ou Matthew Porterfiel­d, Ladoul et La Via se frottent ici à cet art de l’infra qui infuse une bonne part, pas la moins mauvaise, du cinéma indépendan­t américain. C’est justement chez Matt Porterfiel­d, dans Sollers Point, que nous croisions l’excellent McCaul Lombardi, impression­nant par sa présence sauvage (qui parvient à rendre sympathiqu­e un personnage pourtant à baffer), aux côtés de la non moins douée Morgan Saylor (repérée dans Homeland). Dirigés à la perfection, ils concourent largement à la réussite du film, qui marque la naissance de nouveaux talents.

Nous les coyotes de Hanna Ladoul et Marco La Via, avec McCaul Lombardi, Morgan Saylor (E.-U., 2018, 1 h 27)

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