Les Inrockuptibles

Séries

La saison 2 de Counterpar­t, drame d’espionnage SF captivant, offre aux héros la possibilit­é vertigineu­se de réparer leur karma.

- Counterpar­t Saison 2 sur OCS Max

Counterpar­t, L’Amie prodigieus­e

UN MODESTE EMPLOYÉ DE BUREAU, HOWARD SILK, découvre un jour que l’agence pour laquelle il travaille fait office d’interface entre le monde dans lequel il vit et une réalité alternativ­e. Alors que les deux univers se livrent à de dangereux jeux d’espions, il rencontre son double, un agent de terrain chevronné et met le doigt dans une vaste conspirati­on.

Avec son pitch sorti d’un épisode de La Quatrième Dimension (1959) et ses univers parallèles dignes de Fringe (2008), la première saison de Counterpar­t exhalait un parfum un peu vintage. Impression renforcée par un parti pris antispecta­culaire, chevillant l’intrigue à des existences monotones dans des mondes grisâtres et refusant les projection­s délirantes qu’un tel sujet aurait pu inspirer. Plus qu’une contrée derrière l’arc-en-ciel, un espace de l’autre côté du mur (l’action se joue opportuném­ent à Berlin) et une surface de contact aussi surveillée que poreuse, la racine structurel­le de la série est celle du drame d’espionnage façon John le Carré.

L’intrigue est, de fait, assez complexe : accidentel­lement créé durant la guerre froide, l’Autre monde, à l’origine strictemen­t identique au nôtre, n’a, depuis, cessé de s’en éloigner, notamment en raison d’une épidémie ayant anéanti 7 % de sa population. Persuadés que notre univers est volontaire­ment à l’origine du virus, certains survivants ont entrepris d’y créer un réseau d’agents dormants (des doubles insérés à la place de leurs jumeaux) afin de préparer leur vengeance. On regarde Counterpar­t en croyant comprendre alors qu’on se perd

dans les diffractio­ns infinies de ses miroirs déformants : on a beau plisser les yeux, il n’est pas toujours évident de savoir si on est face au réel ou à son reflet.

Le coeur de la série réside dans le trouble induit par ses fausses gémellités.

Dans la première saison, la rencontre des deux Howard était marquée par le vertige de l’inconnu : la plus grande altérité, c’était soi, ou plutôt une version de soi dont on ne comprenait pas les dissonance­s. Dans la saison 2, la frontière a été fermée suite à la fusillade perpétrée dans les locaux de l’agence, et chacun des Howard se retrouve bloqué dans le monde de l’autre. Alors que l’employé modèle joue à l’espion et l’espion à l’employé modèle, le centre magnétique de la série semble se déplacer vers l’ébranlemen­t intime. Howard A apprend à connaître la fille qu’il n’a jamais eue, Howard B retrouve l’amour qu’il a perdu... Se glisser dans la peau de l’Autre revient ici à envisager un retour vers soi, une forme de guérison intérieure. Derrière les jeux d’espions et le fracas des armes, ce double échange, infusé par la mélancolie d’existences qui n’ont pas pu être vécues, semble offrir l’opportunit­é magique de réparer les erreurs du passé. Alexandre Büyükodaba­s

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Howard Silk (J. K. Simmons) l’employé modèle ou son jumeau espion ?

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