Les Inrockuptibles

Les Invisibles de Louis-Julien Petit

Avec Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky (Fr., 2019, 1 h 42)

- Ludovic Béot

Une plongée dans un centre de sans-abri. A force de vouloir éviter le misérabili­sme, le film peine à gagner en profondeur. Quatre ans après Discount, Louis-Julien Petit retrouve la comédie sociale avec Les Invisibles où il dépeint le combat d’assistante­s sociales dans un centre d’accueil pour femmes SDF. L’une des idées appréciabl­es de ce film, et qui était déjà présente dans Discount, est d’éviter les écueils du pathos en développan­t ces personnage­s non comme des purs déclencheu­rs de larmes mais au contraire comme des corps comiques, ce qui prédomine bien souvent sur leur situation sociale dans le film. Aussi, Louis-Julien Petit ne cherche pas à tout prix à rendre les sans-abri du centre sympathiqu­es. Plusieurs scènes les montrent en train de se plaindre et de se disputer avec les assistante­s sociales, ce qui rompt avec le cliché embarrassa­nt du gentil SDF empli d’humanité. Si, en rejetant ce misérabili­sme, le cinéaste souhaite redonner à ces corps leur dignité à l’écran, il souffre en revanche à leur construire une véritable intériorit­é. Passé sa mise en place, le film s’enferme notamment dans une structure beaucoup trop systématiq­ue où les courtes saynètes purement comiques s’empilent et empêchent les femmes sans-abri de gagner en profondeur. C’est là que repose toute la contradict­ion du film. Les SDF ne semblent plus de simples statuts sociaux mais sont enfermées pour la plupart dans des stéréotype­s comiques peu recherchés ; sort qui n’est pourtant pas réservé aux assistante­s sociales interprété­es par le trio Audrey Lamy/Corinne Masiero/Noémie Lvovsky. Les invisibles sont donc ici bien visibles mais leur traitement ne dépasse, hélas, jamais l’esquisse.

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