Les Inrockuptibles

L’Ange de Luis Ortega

Avec Lorenzo Ferro, Chino Darin, Daniel Fanego (Arg., Esp., 2019, 1 h 58)

- Marilou Duponchel

Les jeunes années d’un tueur argentin, beau comme le diable, dans un biopic séduisant, mais édulcoré. Visage à la pâleur morbide, regard trouble, mâchoire menaçante… Qu’il soit friand de petits jeux sadiques (Seven), tueur d’enfants

(M le maudit) ou de femmes (Psychose), le serial killer au cinéma a peu souvent des allures de top model. Mieux, sa physionomi­e bizarre vérifie la théorie discutable d’une unité du bon et du beau. Pourtant, Carlos Eduardo Robledo Puch, célèbre tueur argentin de 17 ans, est d’une beauté affolante, presque trop grande, à laquelle personne ne résiste. C’est en plaçant au centre de son quatrième long métrage le visage de ce poupon aux boucles d’or, plutôt que sa psyché complexe, que Luis Ortega entreprend de retracer l’épopée criminelle de cet éphèbe. Epousant la provocante insoucianc­e de son personnage amoral et celle d’une époque fantasmée (le Buenos Aires coloré du début des 70’s), L’Ange brosse avec grâce et sensualité le portrait de ce bellâtre aussi énigmatiqu­e que fascinant, auquel le jeune et saisissant Lorenzo Ferro prête toute sa belle ambiguïté. Mais le film, recouvert d’un vernis vintage, usant d’une mise à distance trop grande et d’une fascinatio­n clinique pour la violence, finit par perdre un peu de son étrangeté pour ressembler à un impeccable objet pop, empilant un à un les faits d’armes du petit meurtrier et reléguant en arrière-plan la complexité de ce contre-modèle viril, son ambiguïté sexuelle et sa quête de liberté.

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