Les Inrockuptibles

Escape game

- O. J.

A partir d’une histoire vraie, Ben Stiller réalise Escape at Dannemora, une minisérie d’évasion à la Prison Break de sept épisodes qui met du temps à se faire la belle.

ON OUBLIE PARFOIS QUE BEN STILLER N’EST PAS SEULEMENT DRÔLE. C’est aussi un réalisateu­r régulier et plutôt solide depuis les nineties – il a notamment signé Génération 90, Disjoncté, Zoolander… Le revoilà donc portant cette casquette (et celle-là uniquement) pour une minisérie en sept épisodes, basée sur une histoire vraie assez folle : l’évasion en 2015 de deux prisonnier­s condamnés pour meurtre dans l’Etat de New York, aidés par une employée de la prison, cheffe de l’atelier couture, tombée amoureuse des deux hommes. Escape at Dannemora est donc le récit de leur plan méticuleux pour se faire la belle, doublé d’une histoire sexuelle et plus ou moins romantique avec cette femme, Tilly, une quadragéna­ire délaissée par son mari, à la recherche de frissons et d’orgasmes.

La première identité de la série est celle d’un post- Prison Break moins hystérique, où toutes les étapes classiques du récit d’évasion sont respectées. Cela se laisse regarder sans déplaisir, mais rien de nouveau ne se profile sous le soleil, entre les jeux de pouvoir agitant les détenus, les heures passées par les héros, Richard et David, à utiliser une scie ou creuser un tunnel, les avancées et reculs divers. Il faut attendre le cinquième épisode, sûrement le meilleur de la série, pour éprouver quelque chose d’une mélancolie et d’une libération mêlées, quand

Stiller prend enfin le temps de sortir des rails de son récit pour aller plus lentement.

On oublie alors les gros sabots de la mise en scène ultra voyants et les perruques de Benicio Del Toro et Patricia Arquette – le premier arborant malgré lui un total look “Berlusconi du pauvre”.

Là où Escape at Dannemora décolle – sans non plus atteindre des sommets –, c’est dans le portrait de son héroïne qu’incarne une Patricia Arquette méconnaiss­able et en plein trip Actors Studio (elle a pris vingt kilos pour le rôle). Tilly veut jouir. Elle donnerait tout pour baiser avec l’un, puis avec l’autre, elle prend des risques insensés pour accomplir son désir. Dans les scènes sexuelles, Stiller accompagne ses pulsions de manière assez fine et trace le mouvement ambigu entre l’émancipati­on réelle de cette femme et sa manipulati­on par les deux détenus. Sa relation avec David (incarné par Paul Dano, très convaincan­t) reste le point fort d’une histoire qui aurait tout de même mérité une plus grande complexité narrative… ou d’être plus resserrée. En l’état, les sept épisodes tirent parfois à la ligne et on se surprend à imaginer qu’un film de deux heures sur le même sujet aurait davantage attiré notre attention.

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Patricia Arquette + 20 kilos.

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