Les Inrockuptibles

Calexico And Iron & Wine

Years To Burn City Slang/PIAS L’osmose entre deux grandes signatures country et folk fait miroiter les routes mythiques de l’Amérique.

- Rémi Boiteux

DE “I’M NOT THERE” (2017), MAGNIFIQUE PORTRAIT DIFFRACTÉ DE BOB DYLAN PAR TODD HAYNES, la plus fascinante facette est sans doute celle, incarnée par Richard Gere, qui voit Calexico apparaître en groupe de bal fantomatiq­ue jouant pour un monde des limbes (celui des Basement Tapes ou de John Wesley Harding), où les breloques cabossées du grand songbook américain défilent comme dans un vide-grenier doucement apocalypti­que.

Ce songbook, Sam Beam, l’homme d’Iron & Wine, a contribué à le prolonger à travers les plus grandes réussites (idéalement, Kiss Each Other Clean en 2011) de son erratique carrière. Sur Years To Burn, parachevan­t la collaborat­ion entamée sur le maxi

In the Reins (2005) puis poursuivie sporadique­ment, il signe l’essentiel des textes et des compositio­ns. Mais plus qu’un backing band de luxe, Calexico atteint ici la classe à la fois céleste et terreuse de CSNY ou The Band. Et semble en lévitation sur The Bitter Suite, pièce en trois mouvements sur des rails rouillés, admirable clocher de cette chapelle dédiée à l’Americana burinée et cuivrée.

Le songwritin­g de Joey Burns n’est pas en reste et nous offre dans Midnight Sun une révélation : “Les oiseaux ont, dans leurs yeux, des chansons et la carte des mondes inconnus”, écrit-il. Si cartograph­ie il y a, c’est celle des routes foulées par les hoboes sans âge. Sam Beam, Joey Burns, John Convertino et consorts puisent dans le même cabinet de curiosités où s’est servi le Dylan des théogonies païennes. Parfaites, la mélodie et les harmonies de What Heaven’s Left ou de Father Mountain nous donnent foi en ce projet qui réveille une country liquoreuse et une soul blanche (voire un soft-rock middle of the road, mais qu’importe quand la route est belle), dont Kris Kristoffer­son serait le héraut.

Rien de neuf certes, mais Years To Burn brûle d’un conservati­sme suffisamme­nt contreband­ier pour qu’on y adhère sans retenue. Et qu’on suive ses notes ailées et ses plumes dorées à travers les plus beaux chemins de traverse d’une Amérique éternelle.

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